Aurelija Leonaviˇcien˙e
Université Technologique de Kaunas,
Université de Vytautas Magnus, Lituanie
Dans cet article on analyse les diminutifs lituaniens, qui sont très courants dans la littérature lituanienne contemporaine, et les stratégies linguistiques et socioculturelles de la traduction des diminutifs en français. En tant que particularité linguistique et aux valeurs socioculturelles et stylistiques ajoutées, les diminutifs ne représentent pas une unité de traduction, mais font partie des relations intratextuelles de l’objet à traduire. L’analyse de 18 nouvelles lituaniennes et de leurs traductions en français pendant la période 2000-2012, manifeste certaines tendances de la traduction des diminutifs. L’étude des stratégies grammaticales, sémantiques et pragmatiques de la traduction des diminutifs lituaniens permet de découvrir comment les traducteurs francophones expriment la spécificité culturelle de la littérature lituanienne et transitent d’un système culturel à un autre.
mots clés : la traduction, les diminutifs lituaniens, la productivité des diminutifs, les stratégies linguistiques et socioculturelles de la traduction.
Linguistic and Socio-cultural Strategies of Translation of Diminutives from Lithuanian to French
This article analyses Lithuanian diminutives, which are very common in contemporary Lithuanian literature, and linguistic and socio-cultural strategies of translation of diminutives into French language. Diminutives are considered a linguistic peculiarity, which has stylistic and socio-cultural value in the text. Diminutives do not represent the translation unit but they are an intratextual component of the translation object. The analysis of 18 Lithuanian novels and their translations into French published between 2000 and 2012 shows certain tendencies of translation of diminutives. The analysis of grammatical, semantic and pragmatic translation strategies of Lithuanian diminutives reveals how French translators express cultural peculiarities of Lithuanian literature and pass from one cultural system to another.
key words translation, Lithuanian diminutives, productivity of diminutives, linguistic and socio-cultural strategies of translation.
Introduction
Depuis la déclaration de l’indépendance de la Lituanie en 1990, les traductions de la littérature lituanienne ne cessent de s’accroître. Les besoins de présenter la littérature lituanienne au lectorat international nécessitent plus que jamais un gros travail des traducteurs. Vrai miroir de la culture, les œuvres littéraires représentent la culture lituanienne, le monde culturel implicite qui s’exprime par les moyens langagiers.
La langue lituanienne forme avec le letton une branche particulière des langues baltes de l’arbre indo-européen. Selon le père du structuralisme que fut F. de Saussure, l’auteur des « Cours de linguistique générale », « le lituanien, attesté depuis 1540 seulement, n’est pas moins précieux à cet égard que le paléoslave, consigné au Xe siècle, ou même que le sanscrit du Rigvéda » (1972 : 296). La langue lituanienne « qui est la plus archaïque des langues indo-européennes vivantes » (Michelini, 2001 : 30), « offre, dans l’ensemble, une image aussi fidèle de l’indoeuropéen que le latin du IIIe siècle avant Jésus-Christ » (De Saussure, 1972 : 45). D’autres chercheurs tentent d’affirmer : « Par certains traits le lituanien peut être rapproché du grec homérique ; il présente donc pour les linguistes un intérêt exceptionnel. » (Champonnois, De Labriolle, 2007 : 18). Dans les transformations survenues au cours des siècles, la structure grammaticale de la langue lituanienne a évolué mais malgré tout, le lituanien d’aujourd’hui a conservé une structure flexionnelle et une flexion nominale et verbale très riche. Une grande variété d’affixes (préfixes, postfixes, infixes) permet au lituanien de former facilement des composés et des dérivés. Langue synthétique, le lituanien se distingue par une grande vitalité des diminutifs qui se forment par adjonction du suffixe diminutif, toujours postposés à la base, aux mots existants. Selon les linguistes lituaniennes J. Macienė et D. Roikienė, le lituanien contemporain utilise les diminutifs d’une manière très abondante. Pour créer de nouvelles unités lexicales, la langue utilise à peu près quatre-vingt morphèmes diminutifs parmi lesquels seize sont très productifs dans la langue standard (Macienė, Roikienė, 2007: 98). Les suffixes, tels que -elis (-ė), -ėlis (-ė), -(i)ukas (-ė), -(i)utis (-ė), -ytis (-ė), -aitis (-ė), -(i)ūkštis (-ė) 1 et beaucoup d’autres, sont aptes à modifier la valeur sémantique de la base et n’entraînent pas la création d’un mot dérivé d’une classe grammaticale différente de celle de la base. Exerçant une fonction sémantique, les suffixes diminutifs introduisent une connotation qui désigne une valeur particulière (une nuance diminutive, affectueuse ou péjorative), attribuée au mot par le contexte situationnel. De même, du fait de leur nuance sémantique et stylistique, les diminutifs lituaniens sont très répandus dans le style parlé et le style littéraire. Un grand nombre de diminutifs dans les textes de la littérature lituanienne permet d’exprimer le lyrisme ou les particularités stylistiques et socioculturelles. Constatant que les diminutifs représentent un procédé stylistiquement marqué et important dans les textes littéraires, nous les considérons comme un objet de l’analyse linguistique et socioculturelle de la traduction. Cet article a pour but de présenter les diminutifs lituaniens, de faire leur analyse linguistique détaillée qui place au centre des résultats de la fréquence des diminutifs dans les textes analysés, leur valeur sémantique, la productivité des morphèmes suffixaux ainsi qu’une analyse traductologique qui permet de faire apparaître les stratégies de traduction des diminutifs lituaniens en français pendant la période 2000-2012. Les textes de cette période sont traduits par les traducteurs dont la plupart sont des francophones natifs (M. Vitureau, I. Chandavoine-Urbaitis, M. Puig, J.-C. Lefebvre, etc.). Les diminutifs lituaniens sont analysés dans 18 nouvelles lituaniennes contemporaines (de R. Granauskas, R. Gavelis, A. Landsbergis, J. Kunčinas, S. T. Kondrotas, V. Juknaitė, S. Parulskis, M. Zingeris, G. Radvilavičiūtė, S. Šaltenis, etc.) et dans leurs traductions françaises, publiées dans Des âmes dans le brouillard (Presses universitaires de Caen, 2003) et dans les Cahiers Lituaniens de 2000–2012. L’analyse linguistique et traductologique est faite au moyen des méthodes analytique et quantitative.
Quelques aspects théoriques de la traduction des diminutifs lituaniens
Privilégiant le sens et le vouloir dire, le passage des textes lituaniens aux textes français est indépendant des langues. Or, pour pouvoir transmettre le vouloir dire, il faut comprendre le sens des textes et de leurs composants. Par leur valeur connotative et leur nature expressive, les diminutifs lituaniens, qui sont très abondants dans les textes de la littérature, posent souvent des problèmes concernant leur identification, la réception de leur sens et leur traduction. Il est évident que la traduction des connotations résiste toujours aux traducteurs depuis qu’il y a la traduction. Selon le théoricien de la traduction linguistique G. Mounin, « les connotations viennent recreuser le fossé qui sépare les langues, fossé déjà creusé profondément par les différences les plus matérielles entre civilisations, par les différences les plus subtiles entre “visions du monde”.» (١٩٦٣ : 167–168). Étant donné qu’un objet à traduire est un élément lexical isolé et la traduction est un travail sur la langue, sur les mots, le théoricien G. Mounin déclare que les langues peuvent poser des obstacles à la traduction et faire apparaître le problème d’intraduisibilité : « Quand on dit que la traduction est impossible, neuf fois sur dix, on pense à ces connotations... » (Mounin, 1963 : 168). Certes, le paradigme théorique de la traduction d’aujourd’hui, qui a évolué dans la perspective du progrès conceptuel, nous permet de rejeter le problème d’intraduisibilité et de constater que les méthodes et les modèles de la linguistique systématique ne suffisent plus à comprendre et à décrire la réalité de la traduction. L’objet à traduire d’aujourd’hui, comme le dirait Y. Gambier, est devenu «à géométrie variable» (٢٠٠٠ : ٥٧). Par conséquent, l’objet à traduire « est donc à considérer comme le produit de tout un réseau de relations extra-, inter-, et intra- textuelles dont il tire sa pleine substance » (Israël, 2005 : 64). Ce point de vue théorique nous permet de considérer les diminutifs comme des composants de l’objet à traduire. Conformément au parcours proposé par les traductologues lituaniens actuels (Leonavičienė, 2010 : 45–50 ; ٢٠١٣ : ٢٥–٣١ ; Kalėdaitė, Asijavičiūtė, ٢٠٠٥ : ٣١–٣٧ ; etc.), nous reconnaissons les diminutifs comme des éléments microtextuels dont le vrai sens se manifeste dans les contextes macrotextuel et socioculturel. Quels que soient les textes et quelles que soient les langues, la traduction est adéquate et fiable, quand le traducteur respecte le vouloir dire de l’auteur et les critères pragmatiques et socioculturels, et quand il essaie de rester fidèle au sens et aux émotions de l’original. C’est à la suite de ces critères que nous privilégions « comprendre, c’est traduire » de G. Steiner (1998 : 17) et nous prêtons attention à l’opération traduisante qui se compose de comprendre et de dire.
En traduisant des ouvrages de littérature lituanienne, les traducteurs étrangers se posent souvent les questions suivantes : comment voir la différence entre les vrais et les faux diminutifs lituaniens quand ces derniers ont des formes identiques aux vrais diminutifs mais n’ont aucune expressivité et connotation ? comment transmettre le sens spécifique socioculturel des diminutifs lituaniens dans les traductions françaises, espagnoles ou anglaises ? Ces problèmes sont analysés dans les articles de C. Caro Dugo (2010 : 56-63), A. Leonavičienė et J. Valeikaitė (2012: 89-97), J. Macienė et D. Roikienė (2007: 97-108), et beaucoup d’autres chercheurs en traductologie. En effet, que faudrait-il faire pour surmonter d’abord les difficultés d’ordre linguistique ? Il ne suffit pas de comprendre que les diminutifs lituaniens possèdent des morphèmes diminutifs placés en position de suffixes qui modifient le sens. Dans le cas de vrais diminutifs, les suffixes, par exemple, -elis (-ė), -(i)ukas (-ė), -(i)utis (-ė) et beaucoup d’autres, sont utilisés librement pour former des unités lexicales ayant une certaine valeur sémantique et stylistique: takelis ou keliukas («un petit sentier»), knygutė («un livret»), namukas («une petite maison»), etc. Mais dans le cas de faux diminutifs, les morphèmes sont devenus des constituants des noms auxquels ils sont rattachés en tant que suffixes et n’expriment plus une nuance de diminution ou une autre valeur stylistique, par exemple, kavos puodukas («une tasse»), automobilio durelės («la portière»), suknelė («une robe»), vaikų darželis («le jardin d’enfants»), etc. Les derniers exemples présentés sont très similaires aux vrais diminutifs mais ils n’ont qu’une valeur dénotative. À la suite de ce qui a été dit, nous présentons quelques exemples trouvés dans la traduction de la nouvelle de A. Landsbergis où une traductrice française avait mal interprété le suffixe lituanien et avait compris le nom commun karvelis ([formation : la racine du mot – karvel- ; la terminaison du masculin de singulier — -is ; absence de suffixe diminutif] — «un pigeon») comme le diminutif du nom karvė (« une vache » !) :
(1) <...> vaikėzai pakrinka Laisvės alėja, aš pastveriu vieną su plakatu „laisvės“! Jo marškiniai plyšta, dievulėliau, karvelio šūdas! (Landsbergis, 1992: 190)
Les jeunes se dispersent dans l’allée de la Liberté, j’en attrape un qui porte une pancarte « liberté »! Sa chemise est déchirée, mon Dieu, de la bouse de vache ! (Landsbergis, 2003: 130–131)
(2) <...> vaikystės dienos, man Levoniukas sakė, ištepk veidą karvelio šūdu, pasėdėk prieš saulę ir strazdanos pranyks, melavo, rupūžė! (Landsbergis, 1992: 189–190)
Jours de mon enfance, Levoniukas m’avait dit: enduis-toi le visage de bouse de vache, assieds-toi au soleil et tes tâches de rousseur disparaîtront, il a menti, le crapaud ! (Landsbergis, 2003: 130)
Les exemples cités montrent que la traduction des diminutifs lituaniens cause des problèmes aux traducteurs et mérite une analyse approfondie.
Analyse de la traduction des diminutifs lituaniens en français
La problématique de la traduction des éléments microtextuels, y compris des diminutifs, s’inscrit dans le contexte plus vaste de l’analyse traductionnelle. Du point de vue méthodologique, notre analyse de la traduction des diminutifs n’est pas basée sur l’opposition entre le texte d’arrivée et le texte original mais donne une importance primordiale à l’étude de la restitution du sens des diminutifs dans les nouvelles situations socioculturelles et linguistiques françaises. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les travaux de M. Lederer, F. Israël, F. Herbulot qui représentent la Théorie interprétative de la traduction, ainsi que sur certains ouvrages de S. Bidaud et sur les statégies de la traduction de A. Chesterman qui associe le savoir linguistique au savoir extralinguistique dans ses trente stratégies de traduction, regroupées en trois groupes : les stratégies sémantiques, grammaticales et pragmatiques (1997).
Après avoir fait l’analyse de 18 nouvelles lituaniennes, dont le volume est de 183 pages, nous avons trouvé ٤٥٧ exemples de diminutifs parmi lesquels 280 exemples ont le sens de petitesse, 133 exemples ont une nuance affective, caressante, 18 diminutifs expriment une nuance à la fois de petitesse et d’affectuosité, 21 exemples de diminutifs ont un sens ironique et seulement 5 exemples expriment un sens péjoratif. L’analyse des valeurs sémantiques des 457 diminutifs dans l’ensemble de contextes linguistique et socioculturel, nous permet de constater la prédominance des diminutifs de petitesse (61,3 % de tous les cas trouvés) et des diminutifs ayant un sens affectif (29 %). Parmi tous les exemples trouvés, les diminutifs formés par adjonction des deux suffixes -elis (-ė) et -ėlis (-ė) sont les plus fréquents. Ils constituent environ 65 % des suffixes diminutifs employés dans les nouvelles analysées. Les autres suffixes diminutifs tels que -(i)ukas (-ė) ; -(i)utis (-ė) ; -ytis (-ė) ; -aitis (-ė) ; -iokas (-ė) ; -(i)ūkštis (-ė) ; -ušis (-ė) ; -ėzas ; -užis (-ė) ; -iotė ; -ulis (-ė) , représentent ensemble environ 35 % de diminutifs trouvés. À la suite de ces données, nous pouvons constater que les suffixes -elis (-ė) et -ėlis (-ė) sont les plus productifs dans les textes de la littérature lituanienne contemporaine. Une grande variété de diminutifs très fréquents permet d’exprimer le lyrisme ou l’ironie ainsi que certaines valeurs esthétiques et socioculturelles dans les textes littéraires lituaniens. Étant donné que les diminutifs lituaniens exercent une importante fonction stylistique et culturelle, les traducteurs français essaient de respecter leur sens et de les transmettre convenablement. Parmi les trente stratégies décrites par A. Chesterman (١٩٩٧), nous avons remarqué cinq stratégies qui ont permis aux traducteurs français de transmettre le sens des diminutifs lituaniens, et trois stratégies qui avaient causé la neutralisation des valeurs sémantique et stylistique des diminutifs (voir tableau 1). Parmi ces premières nous avons découvert deux stratégies grammaticales, celles du changement de forme (126 exemples trouvés) et de la traduction directe (23 exemples) ainsi que deux stratégies sémantiques, celles du choix des synonymes (28 exemples trouvés) et de la paraphrase (4 exemples trouvés), et ensuite une stratégie à la fois grammaticale et pragmatique (14 exemples où les traducteurs ont utilisé à la fois une explication et un calque).
Au total, les exemples de transmission du sens connotatif contextuel des diminutifs, constituent 195 exemples, soit 42,7 % des diminutifs lituaniens traduits. Dans le cas des 262 exemples restants, qui constituent 57,3 % des diminutifs analysés, les valeurs sémantique et stylistique des diminutifs ont été neutralisées par l’utilisation des stratégies suivantes : celles du changement de distribution sémantique (214 exemples), de l’omission (stratégie pragmatique qui se manifeste dans 7 exemples) et du calque (41 exemples).
La stratégie de changement de forme
Pour restituer le vouloir dire des auteurs lituaniens, les traducteurs français ont choisi dans la plupart de cas une stratégie de changement de forme. Cette stratégie grammaticale, utilisée 126 fois (27,6 % de cas trouvés), a permis aux traducteurs de transmettre les nuances sémantiques des diminutifs au moyen de la langue française sans être prisonniers des mots de l’original. Présentons quelques exemples :
(3) Tačiau vieną naktį klasės draugės pasiėmė ją su savimi pasisodinusios į vaikystės suolą, išpjaustinėtą širdelėmis ! (Zingeris, 2000: 98)
Mais une nuit, ses camarades de classe l’ont prise avec elles, elles l’ont installée sur le banc de l’enfance, tout crayonné de petits cœurs. (Zingeris, 2003: 187)
(4) Moteris prisitraukė vaiko lovelę ir atsigulusi paėmė į saują vaiko rankytę. (Juknaitė, 1995: 26)
La femme approcha d’elle le petit lit, se coucha et prit la minuscule main du bébé dans la sienne. (Juknaitė, 2003: 307)
(5) <...> per šermenis teta Ancė rėkė nesavu balsu, bobelės užgiedojo kaip juodos varnos, aš užrikau, kad nutiltų, mane išvedė laukan, paskui gėrėm, aš uždainavau visa gerkle, kad neuždusčiau, taip juoda krūtinėj, <...> (Landsbergis, 1992: 187)
Pendant le repas funéraire, tante Ancė criait de toutes ses forces, les bonnes femmes se sont mises à chanter comme des corbeaux noirs, j’ai hurlé pour qu’elles se taisent, on m’a entraîné dehors, ensuite on a bu, je me suis mis à chanter à pleins poumons pour ne pas étouffer, il faisait si noir dans ma poitrine, <...> (Landsbergis, 2003: 127)
(6) <...> o kas žino, dar kokie antitarybiniai emigrantai prisistatys, pradės savo giesmelę? (Landsbergis, 1992: 182)
Et qui sait, il peut encore se présenter de ces émigrants antisoviétiques, qui vont entonner leur petite chanson ? (Landsbergis, 2003: 120)
Dans l’analyse des exemples cités, nous pourrions apporter une précision de M. Lederer : « Il ne s’agit pas seulement de savoir quel mot placer dans la langue d’arrivée en correspondance à celui de la langue de départ, mais aussi et surtout de savoir comment faire passer au maximum le monde implicite que recouvre le langage de l’autre. » (1994: 122) Pour ce faire, les traducteurs français ont choisi des unités lexicales analytiques, tels que le petit lit, la minuscule main, leur petite chanson, etc., ayant une signification diminutive. Dans tous les exemples de ce type, les adjectifs antéposés sont utilisés en tant que morphèmes de diminution et expriment le sens de petitesse (širdelėmis – de petits cœurs (ex. 3), lovelę – le petit lit, rankytę – la minuscule main (ex. 4), etc.), d’affectuosité (bobelės – les bonnes femmes (ex. 5), etc.) ou d’ironie (giesmelę – leur petite chanson (ex. 6), etc.). La traduction fréquente des diminutifs lituaniens par des unités lexicales analytiques françaises pourrait être justifiée par le fait que « le français est une langue essentiellement analytique, et est d’un degré d’analyticité beaucoup plus fort que l’espagnol, l’italien ou le portugais, d’où l’utilisation d’un adjectif subduit, « petit », pour remplacer le diminutif » (Bidaud, 2012: 54), par conséquent, il est tout à fait naturel que l’effet que les auteurs lituaniens ont voulu suggérer chez leur lecteur, a été ressenti et transmis par des unités lexicales analytiques.
Le choix du synonyme et la traduction directe
Parmi les stratégies qui permettent de transmettre le sens et la valeur stylistique des diminutifs lituaniens, nous avons trouvé deux stratégies moins fréquentes, celles du choix sémantique des synonymes (28 exemples, c’est-à-dire, 6,1 % de cas trouvés) ayant le même sens ironique que les diminutifs lituaniens (tipelis – un minable (ex. 7), mergiotė – une môme (ex. 8), etc.), et de la traduction directe (23 exemples, c’est-à-dire, 5 % de cas trouvés), qui se manifeste par le choix des diminutifs français (gatvelės – les ruelles (ex. 9), knygutė – le livret (ex. 10), etc.) :
(7) Praskirisdama ji įbeda šluotą kažkuriam iš tų tipelių dantysna, sugrūsdama ją sykiu su ta jo niekinga cigariuke. (Zingeris, 2000: 98)
Tout en volant sur son balai, elle l’envoie dans les dents d’un de ces minables, ça lui fait avaler d’un coup son petit cigare de gros nul, <…> (Zingeris, 2003: 186)
(8) Valentinas Pliskus visas nutirpdavo, sustingdavo į kuolą, o jei per fizinio auklėjimo pamokas jį netyčia prispausdavo kokia krūtiningesnė mergiotė (pavyzdžiui, bėgant kombinuotas estafetes ar mišriomis komandomis žaidžiant krepšinį), <...> (Kunčinas, 1996: 18)
Lorsqu’il effleurait une fille par hasard, Valentinas Pliskus se liquéfiait totalement, se pétrifiait, et si pendant les cours d’éducation physique, il se serrait contre une môme avec une forte poitrine (par exemple, en courant le relais combiné ou en jouant au basket dans des équipes mixtes), <...> (Kunčinas, 2003: 231–232)
(9) <...> Vytautui Berankiui patiko Vilnius, senos įkaitusios gatvelės rodėsi mielesnės už ramią tėviškės ežerų gaivą. (Gavelis, 1989: 41)
<...>Vytautas Berankis aimait Vilnius, ses vieilles ruelles brûlantes lui semblaient plus agréables que la fraîcheur tranquille des lacs de sa terre natale. (Gavelis, 2003: 272)
(10) Jis žaidė ta knygute kietais viršeliais kaip katė su pele, nors gerai suprato, jog tai ji, toji knygutė, žaidžia su juo, kankina jį, hipnotizuoja it smauglys sustingusį triušį. (Gavelis, 1989: 44)
Il jouait avec ce livret à couverture rigide comme un chat avec une souris, bien qu’il comprît parfaitement que c’était le livret, en fait, qui jouait avec lui, le torturait, l’hypnotisait, comme un boa saisissant un lapin. (Gavelis, 2003: 276)
Malgré une abondance de diminutifs dans 18 nouvelles lituaniennes (457 exemples trouvés), leurs traductions françaises comportent seulement 23 exemples de diminutifs français, formés par adjonction des suffixes : -et (livret, jardinet, etc.), -ette (maisonnette, etc.), -elle (ruelle, tourelle, etc.), -ule (monticule, etc.) et -eau (ruisseau, etc.). Les diminutifs français, dont la fréquence est très basse dans les textes traduits, sont plutôt utilisés dans le langage familier ou affectif, mais rarement dans la littérature contemporaine, tandis que leur usage dans la littérature lituanienne est beaucoup plus large, surtout dans les textes lyriques et ironiques. Le linguiste S. Bidaud apporte quelques précisions sur l’emploi des diminutifs français: «Il n’est pas étonnant dès lors que le diminutif, qui est un élément synthétique, ait perdu toute sa vitalité en français moderne et demeure essentiellement lexicalisé (à l’exception de « ette » dont nous avons dit qu’il était encore parfois un peu créatif» (2012: 58), mais «le nombre de créations spontanées auxquelles un tel diminutif donne lieu est très limité» (2012: 52). Dans une autre étude menée sur la morphologie diminutive, B. Fradin affirme que la suffixation en -et «est le principal procédé de formation des diminutifs en français contemporain» qui «véhicule très souvent des connotations pragmatiques» (2003: 51). Les connaissances linguistiques à ce sujet sont indispensables pour le traducteur, mais elles ne suffisent pas à la réexpression effective des textes. Se pose aussi la question de la créativité des traducteurs français, de leur capacité à transmettre l’effet que produisent les formes des diminutifs lituaniens. Constatant que le nombre de diminutifs français est très bas dans les textes traduits, nous nous interrogeons sur la manifestation de la fidélité au sens dans les traductions françaises analysées.
La paraphrase et le choix du calque suivi d’explication
Pour aller plus loin et répondre aux questions, nous nous sommes intéressées à la paraphrase (stratégie sémantique qui fait 0,9 % d’exemples trouvés) et au choix du calque avec une explication (stratégies à la fois grammaticale et pragmatique – 3,1 % de cas) qui se présentent à travers plusieurs exemples trouvés:
(11) Ir tada jis sukryžiuoja rankas ant krūtinės, žiūri prisimerkęs iš po savo nepakartojamos skrybėlės į šlykštaus prakaito išpiltą virpantį žmogeliūkštį, nusispjauna jam tarp kojų ir pro sukąstus dantis iškošia:
– Nuomininke... (Šaltenis, 1983: 11)
Il croise alors ses bras sur sa poitrine, cligne des yeux sous son chapeau inimitable, regarde le moins que rien qui frémit, rempli d’une sueur répugnante, il crache à ses pieds et murmure entre ses dents serrées :
Locataire ... (Šaltenis, 2003: 83)
(12) O kai siuvėjas numirė, tetos atidavė Valiušį į mokyklos bendrabutį. Turko ir Valentino lovos stovėjo greta. (Kunčinas, ١٩٩٦: 17)
Quand le couturier décéda, les tantes confièrent Valius à l’internat de l’école. Les lits du Turc et de Valentinas2 étaient côte à côte. (Kunčinas, 2003: 230)
(13) – Adomėli, tu lėlė nematyta, kad tave žmona taip numyluotų, paklausyk manęs, imkim pjūklą ir pjaukim.
Tačiau Adomas vis skina skiedras, net kirvio ašmenys zvimbia. (Grušas, ١٩٩٨: 13)
– Adomėlis, hé, espèce de poupée en bois ! Si ta femme te câlinait comme ça ! Écoute donc : il faut scier, maintenant.
Mais Adomas 3 continuait à faire voler les copeaux, et tinter le tranchant de la hache. (Grušas, 2003: 141)
Dans le cas de la paraphrase (ex. 11), les traducteurs français se montrent libres par rapport à la forme des diminutifs lituaniens (par ex., žmogeliūkštis, etc.) qui sont remplacés par des expressions (par ex., le moins que rien, etc.), ayant le même sens et le même effet que la forme diminutive lituanienne. Les exemples 12 et 13 nous poussent à nous interroger également sur le rôle des diminutifs des noms propres qui servent à nommer les personnages et indiquent une relation émotionnelle, pleine de tendresse avec eux. Pour exprimer ce sens subjectif et affectif, les traducteurs ont choisi de calquer les diminutifs lituaniens (Valius, Adomėlis, etc.) et d’ajouter une note en bas de page (voir les notes 2 et 3). Le choix du calque suivi de l’explication a permis aux traducteurs d’exprimer une valeur stylistique des diminutifs des noms propres de l’original. Ainsi, les cinq stratégies analysées de traduction des diminutifs dans les nouvelles lituaniennes ont permis de transmettre le sens de ces éléments intratextuels faisant partie de l’objet à traduire et de conserver le caractère esthétique des textes littéraires.
Le changement de distribution sémantique et l’omission
Notre inventaire de la traduction des diminutifs dans les 18 nouvelles analysées fait apparaître 57,3 % d’exemples de diminutifs dont les valeurs stylistiques et socioculturelles ont été neutralisées dans les textes traduits. Ce fait nous amène à nous interroger sur la traduction des diminutifs lituaniens ayant une valeur implicite socioculturelle et exprimant des contacts sociaux chaleureux qui facilitent les relations interpersonnelles dans la société. Nous sommes d’avis que les textes parlent du pays dont ils sont issus, et que les textes « sont seuls à pouvoir fournir cette information d’ordre social, culturel, politique, technique, etc., en faisant appel à ce que nous appelons les compléments cognitifs, éléments extra-linguistiques qui vont s’ajouter à la langue, pour construire le sens » (F. Herbulot, 2005: 99). Constatant que les diminutifs ont un sens socioculturel, nous nous posons une question : Que faudrait-il faire pour surmonter les difficultés d’ordre culturel dans la traduction des diminutifs ? Pour répondre à cette question, nous présentons quelques exemples :
(14) – Kur mes dabar tokį svetelį padėsim? – susirūpino Viksvienė. – Žinai, iš miesto – ponas. (Savickis, 1997: 40)
– Où est-ce que nous allons mettre cet invité, s’inquiéta la femme de Viksva. Tu sais, Monsieur est de la ville ! (Savickis, 2001: 56)
(15) Bliūdas buvo tik retai išimamas, kunigėliui apsistojus ar gydytojui apsilankius. (Savickis, 1997: 40)
On ne sortait la cuvette qu’à de rares occasions: lorsque le prêtre passait la nuit ou bien lorsque le docteur venait. (Savickis, 2001: 53)
(16) – Medis – gyvas daiktas, vyručiai, jis parodo kartais ir savo įnorių: būtinai virsta priešingai, negu manai jį nuleisti. (Grušas, ١٩٩٨: 18)
– Un arbre, c’est un être vivant, et des fois il fait des caprices : tu veux qu’il tombe d’un côté, et il veut à tout prix tomber de l’autre. (Grušas, 2003: 146)
Dans les exemples lituaniens cités, les diminutifs désignent des personnes estimées (par ex., le prêtre, l’invité, etc.) avec lesquelles on est en contact social courant. Pour exprimer des relations interpersonnelles chaleureuses, l’usage des diminutifs à une connotation émotionnelle est très fréquent dans le style parlé et dans les textes littéraires lituaniens. En effet, les diminutifs tels que svetelis, kunigėlis, vyručiai désignant une relation émotionnelle du locuteur avec les autres et expriment un respect. Vu sous cet angle, seules les valeurs notionnelles ou émotionnelles que porte le sens, sont à préserver et non la forme elle-même. Dans la traduction des 262 exemples de diminutifs, les traducteurs français, fidèles à l’usage de la langue française et à la tendance à la naturalisation, ont renoncé au sens connotatif des diminutifs lituaniens et dans le même temps effacé leurs valeurs stylistiques et socioculturelles. Orientés vers le destinataire français, ils ont choisi la stratégie du changement de distribution sémantique qui se manifeste dans 214 cas (voir ex. 14, 15), et la stratégie de l’omission exprimée dans 7 exemples trouvés [vyručiai (ex. 16), etc.]. Parmi tous les exemples de changement de distribution sémantique nous avons trouvé un grand nombre de diminutifs lituaniens dont les valeurs connotatives émotionnelles ont été neutralisées pour des raisons proprement linguistiques. Pour illustrer ce phénomène, revenons aux exemples lituaniens et à leurs traductions françaises :
(17) Aš sėdėjau lauke ant suolelio prie kažkokio paviljono. (Kondrotas, 2004: 16)
J’étais assis dehors, sur un banc, près d’un pavillon. (Kondrotas, 2003: 171)
(18) Lukas švilpiniavo kažkokią užmirštą dainelę. (Kondrotas, 2004: 21)
Lukas siffle une chanson oubliée. (Kondrotas, 2003: 176)
(19) Pamatęs išmėtytus kambaryje vystyklus ir drabužėlius, jis nustebęs atsisėdo ant sofos. (Juknaitė, 1995: 34)
Quand il vit les vêtements et les couches éparpillés dans la pièce, il s’assis sur le canapé, étonné. (Juknaitė, 2003: 305)
En nous fondant sur les exemples cités (ex. ١٧, ١٨, ١٩) et sur les textes analysés dans les deux langues, nous observons la répartition différente de diminutifs dans les nouvelles originales lituaniennes et leurs traductions françaises. Malgré la créativité des traducteurs et leur liberté de choisir les moyens linguistiques et stylistiques dans un contexte donné, il importe, quel que soit le type de texte, de conserver le fonctionnement naturel du système de la langue d’arrivée. Pour organiser les éléments traductionnels conformément au français, les traducteurs ont été obligés de neutraliser certaines valeurs stylistiques des diminutifs lituaniens et de réduire le nombre de diminutifs dans les traductions. Cela nous éclaire sur un phénomène linguistique de la traduction : les deux textes, l’original et la traduction, doivent produire des effets similaires chez les lecteurs de chacune des langues concernées. C’est pour cette raison qu’on pourrait justifier la naturalisation linguistique des traductions françaises.
Le calque
Parmi les exemples de neutralisation des valeurs socioculturelles et stylistiques des diminutifs lituaniens, nous avons trouvé 41 exemples, c’est-à-dire 9 % des diminutifs des noms propres introduits dans les textes de la langue d’arrivée au moyen de calque sans aucune explication et sans donner de références linguistiques ou culturelles au lecteur français. Cette stratégie de traduction se manifeste dans les exemples suivants :
(20) Uršulėlė buvo savotiška visos paežerės paslaptis. (Granauskas, 2000: 262)
Ourchoulélé, qui vivait là, était une sorte de mystère dans la région. (Granauskas, 2003: 44)
(21) <...> ne vien pyragai man čia, Katriut, o kiek žmonių tą supranta? (Landsbergis, 1992: 185)
Ce n’est pas facile pour moi ici, Katriuk, mais combien de personnes le comprennent ? (Landsbergis, 2003: 124)
(22) – Va tai tau! O aš galėjau lažytis, kad pirmas mirs Vaciukas iš keturiasdešimt šešto. (Gavelis, 1989: 57)
– Ben ça alors ! Moi j’aurais pu parier que c’était Vaciukas du quarante-six qui partirait le premier ! (Gavelis, 2003: 292)
(23) Vyrai ropštėsi per pusnis, kiekvienas su savo ženklu, savo angelu viršum galvos. Bronį lydėjo jo sulysus dzūkiška mūza, Aleksį jo Elenytės atvaizdas, o viršum Vytauto Berankio galvos teskriejo kvapnios lietuviškos dešros dvasia, švytinti lyg aureolė. (Gavelis, 1989: 43)
Les hommes se frayaient un chemin à travers la neige, chacun avec son signe, son ange au-dessus de la tête. Bronys était guidé par sa maigre muse de Dzūkija, Alexis par l’image d’Elenyté, et au-dessus de la tête de Vytautas Berankis flottait toujours l’âme de la saucisse lituanienne odorante, brillant comme une auréole. (Gavelis, 2003: 275)
Dans les phrases citées, le lecteur français ne ressentirait pas l’effet que l’auteur a voulu suggérer en employant des diminutifs tels que Uršulėlė (ex. 20), Katriutė (ex. 21), Vaciukas (ex. 22), Levoniukas (ex. 2), Elenytė (ex. 23) et beaucoup d’autres qui expriment des contacts interpersonnels chaleureux ou parfois une attitude ironique envers les personnages. Alors, que faudrait-il faire pour transmettre le sens des diminutifs analysés ? Existe-t-il une solution ou une stratégie générale et universelle pour la traduction de ces éléments ? Certainement pas. Il est évident que le traducteur choisit lui-même une solution ou une stratégie concrète de transfert socioculturel suivant le contexte de l’original et la culture du destinataire. Mais dans tous les cas, il devrait manifester le monde culturel étranger et le faire voir à ceux qui l’ignorent. « Il appartient donc au traducteur de donner au lecteur étranger des connaissances supplémentaires, minimum mais suffisantes pour entr’ouvrir la porte qui mène à la connaissance de l’autre. » – précise M. Lederer (1994: 123). Selon nous, l’effacement de la spécificité culturelle dans la traduction, supprime la possibilité d’élargir les connaissances du lecteur de la traduction (Leonavičienė, 2011: 39–44) et comme celles-ci lui manquent sur les implicites des textes lituaniens, les diminutifs des noms propres deviennent de vrais exotismes translittérés (par ex., Ourchoulélé) ou présentés dans la forme originale (par ex., Vaciukas) mais presque toujours dépourvus de sens.
Conclusions
L’exploitation de 18 nouvelles lituaniennes contemporaines et des problèmes qui se sont posés par la traduction des diminutifs lituaniens en français, nous permet de tirer quelques conclusions :
1. En tant que particularité linguistique et aux valeurs socioculturelles et stylistiques ajoutées, les diminutifs ne représentent pas une unité de traduction, mais font partie des relations intratextuelles de l’objet à traduire.
2. L’analyse de l’usage des diminutifs dans les nouvelles lituaniennes montre qu’ils sont très nombreux dans les textes littéraires contemporains. Sur 183 pages, nous avons eu la possibilité d’en trouver 457 exemples. Fréquents dans les textes littéraires, les diminutifs expriment le lyrisme ou l’ironie, la petitesse, un sens affectif ou un sens péjoratif ainsi que de certaines valeurs socioculturelles.
3. La traduction des diminutifs représentant des éléments d’un réseau de relations intratextuelles dépend de leurs valeurs contextuelles dans l’original. Étant donné que les solutions de la traduction sont souvent marquées par les dichotomies : langue de départ / langue d’arrivée; contexte social / attitude individuelle de l’auteur; culture de la langue de départ / culture de la langue d’arrivée ; etc., les traducteurs français ont jugé nécessaire de transmettre le sens de 42,7 % des diminutifs analysés et de ne pas le faire dans 57,3 % des cas. Parmi les cinq stratégies qui ont permis de transmettre le sens des diminutifs, nous avons relevé le changement de forme (126 exemples trouvés), la traduction directe (23 exemples), la synonymie (28 exemples trouvés), la paraphrase (4 exemples trouvés) et puis la stratégie du calque suivi d’explication (14 exemples). Ces stratégies ont donné la possibilité d’exprimer le sens et le vouloir dire de l’auteur et de conserver le caractère esthétique des nouvelles lituaniennes.
4. L’étude des stratégies de traduction des diminutifs lituaniens permet de constater que les traducteurs français ont aussi utilisé les stratégies de changement de la distribution sémantique, de l’omission et du calque dont les exemples représentent 262 cas. La neutralisation des valeurs stylistiques et socioculturelles des diminutifs lituaniens dans le but d’adapter le texte au destinataire français et à la langue d’arrivée, manifeste une tendence à la naturalisation qui est plus vivante que celle au décentrement dans les traductions de la période de 2000-2012.
5. Il est évident que les traducteurs font la littérature internationnale. C’est à eux de transmettre la spécificité culturelle de la littérature au lecteur étranger. Dans tous les cas, le rapprochement des cultures ne se fait pas par l’intermédiaire des diminutifs ou des autres éléments microtextuels. La fidélité au référent d’un élément microtextuel, à sa valeur stylistique et à sa spécificité socioculturelle aide à construire le sens global du texte et consiste à apporter au lecteur des connaissances sur la culture des autres pays. Vu sous cet angle, nous pouvons constater que les traducteurs français ont montré beaucoup de créativité, malgré certains cas trouvés où ils ont manqué de fidélité au sens socioculturel lituanien et ont effacé certaines valeurs esthétiques des textes littéraires originaux.
RECIBIDO EN FEBRERO DE 2014
ACEPTADO EN OCTUBRE DE 2014
VERSIÓN FINAL DE NOVIEMBRE DE 2014
références bibliographiques
Bidaud, S. (2012). «Sur la perte de vitalité du diminutif en français». Revista de Filología Románica, 29/1, 51-58.
Caro Dugo, C. (2010). «Balio Sruogos «Dievų miško» vertimai į ispanų kalbą : raiškos priemonės». Kalbų studijos /Studies about languages, 16, 56-63.
Champonnois, S., De Labriolle, F. (2007). La Lituanie. Un millénaire d’histoire, Paris : L’Harmattan.
Chesterman, A. (1997). Memes of Translation, Amsterdam and Philadelphia : Benjamins.
De Saussure, F. (1972). Cours de linguistique générale, Paris : Payot.
Fradin, B. (2003). «Le traitement de la suffixation en -et ». In : Fradin, B., Kerleroux, F. Langages. Quoi de neuf en morphologie ?, 152, 51-77.
Gambier, Y. (2000). «La traduction : un objet à géométrie variable». La traduzione, 2, 57-68.
Herbulot, F. (2005). «Le Régime spécial ou l’enseignement de la traduction en français à partir d’une langue “ exotique ” que l’enseignant ne connaît pas». In : Israël, F., Lederer, M. La Théorie Interprétative de la Traduction III (de la formation à la pratique professionnelle), Paris-Caen : Lettres modernes minard, 95-101.
Israël, F. (2005). «Pricipes pour une pédagogie raisonnée de la traduction : le modèle interprétatif». In : Israël, F., Lederer, M. La Théorie Interprétative de la Traduction III (de la formation à la pratique professionnelle), Paris-Caen : Lettres modernes minard, 61-73.
Kalėdaitė, V., Asijavičiūtė V. (2005). «Translation of Lithuanian-specific items into English». Kalbotyra, 55/ 3, 31-37.
Lederer, M. (1994). La traduction aujourd’hui. Le modèle interprétatif, Paris : Hachette.
Leonavičienė, A. (2010). Vertimo atodangos : teorija ir praktika (prancūzų – liet uvių kalba), Kaunas : Technologija.
Leonavičienė, A. (2011). «Lietuvių kultūrinių teksto reikšmių interpretacija ir vertimas». Kalbų studijos / Studies about languages,19, 39-45.
Leonavičienė, A., Valeikaitė, J. (2012). «Lietuvių kalbos deminutyvų vartojimas ir jų vertimas į prancūzų kalbą S. T. Kondroto romane «Žalčio žvilgsnis»». Kalba ir kontekstai, V/1, 89-97.
Leonavičienė, A. (2013). «Teorinės vertimo paradigmos raida ir dabartis». Kalbų studijos / Studies about languages, 22, 25-31.
Macienė, J., Roikienė, D. (2007). «Deminutyvų atitikmenys vertime į anglų kalbą (Vinco Ramono romanas Kryžiai)». Acta humanitarica universitatis Saulensis, 3, 97-108.
Michelini, G. (2001). «Le lituanien, la plus archaïque des langues indo-européennes modernes». Cahiers lituaniens, 2, 28-36.
Mounin, G. (1963). Les problèmes théoriques de la traduction, Paris : Éditions Gallimard.
Steiner, G. (1998). Après Babel : une poétique du dire et de la traduction, Paris : Albin Michel.
Sources analysées
Biliūnas, A. (1970). «Pasaka apie knygą». Puntuko akmuo, Vilnius : Vaga, 7-18.
Biliūnas, A. (2006). «Le Livre du Destin» (traduit par J.-C. Lefebvre). Cahiers lituaniens, 7, 51-56.
Biliūnas, J. (1980). «Brisiaus galas». Raštai I. Proza ir poezija, Vilnius : Vaga, 184-186.
Biliūnas, J. (1980). «Kliudžiau». Raštai I. Proza ir poezija, Vilnius : Vaga, 140-141.
Biliūnas, J. (2002). « Touché ! » («Kliudžiau») et «La fin de Brisius» («Brisiaus galas») (traduit par I. Chandavoine-Urbaitis). Cahiers lituaniens, 3, 35-38.
Gavelis, R. (1989). «Berankis». Novelės metai 1988, Vilnius : Vaga, 39-57.
Gavelis, R. (2003). «Le manchot» (traduit par M. Puig). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 265-293.
Granauskas, R. (2000). «Su peteliške ant lūpų». Su peteliške ant lūpų, Vilnius : Presvika, 255-276.
Granauskas, R. (2003). «Un papillon sur la bouche» (traduit par M. Barakauskaitė). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 33-61.
Grušas, J. (1998). «Už saulę gražesnis». Už saulę gražesnis, Vilnius : Baltos lankos, 13-23.
Grušas, J. (2003). «Plus beau que le soleil» (traduit par M. Barakauskaitė). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 139-151.
Juknaitė, V. (1995). Stiklo šalis, Vilnius : Lietuvos rašytojų sąjungos leidykla.
Juknaitė, V. (2003). «Le pays de verre» (traduit par A. Melkūnaitė, L. Muhleisen). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 295-320.
Kondrotas S. T. (2004). «Rūke mano siela». Meilė pagal Juozapą, Vilnius : Lietuvos rašytojų sąjungos leidykla, 16-24.
Kondrotas S. T. (2003). «Mon âme dans le brouillard» (traduit par I. Chandavoine-Urbaitis). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 171-178.
Kunčinas, J. (1996). «Turkas. Meilės istorija». Menestreliai maksi paltais, Vilnius : Lietuvos rašytojų sąjungos leidykla, 16-22.
Kunčinas, J. (2003). «Le Turc. Une histoire d’amour». Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 227-237.
Landsbergis, A. (1992). «Dainos gimimas». Kelionės muzika, Vilnius : Vaga, 180-190.
Landsbergis, A. (2003). «Genèse d’une chanson» (traduit par M. Puig). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 115-131.
Parulskis, S. (2002). «Šiaurinė kronika». Siužetą siūlau nušauti, Vilnius : Baltos lankos, 59-65.
Parulskis, S. (2003). «Une chronique du Nord». Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 189-198.
Radvilavičiūtė, G. (2002). «Lietingų kurorto dienų prisikėlimai». Siužetą siūlau nušauti, Vilnius : Baltos lankos, 136 -142.
Radvilavičiūtė, G. (2003). «Résurrection des jours de pluie de la station balnéaire». Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 199-208.
Savickis, J. (1997). «Fleita». Vasaros kaitros, Vilnius : Baltos lankos, 36-44.
Savickis, J. (2001). «La flûte» (traduit par M. Vitureau). Cahiers lituaniens, 2, 50-57.
Savickis, J. (2006). «Raudoni batukai». Novelės, Vilnius : Žaltvykslė, 52-62.
Savickis, J. (2003). «Les souliers rouges» (traduit par M. Vitureau). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 239-256.
Šaltenis, S. (1983). «Amžinai žaliuojantis klevas». Atminimo cukrus, Vilnius : Vaga, 5-11.
Šaltenis, S. (2003). «L’érable éternellement verdoyant» (traduit par I. Chandavoine-Urbaitis). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 77-83.
Škėma, A. (1994). «Anapus Nemuno». Rinktiniai raštai 1. Proza, Vilnius : Vaga, 440-444.
Škėma, A. (2003). «De l’autre côté du Niémen». Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 105-113.
Vaičiūnaitė, J. (1996). «Telefonų knyga». Vaikystės veidrody, Vilnius : Baltos lankos, 7-8.
Vaičiūnaitė, J. (2003). «L’annuaire téléphonique» (traduit par L. Edel-Matuolis). Cahiers lituaniens, 4, 45-47.
Zingeris, M. (2000). «Mano vargšė vargšė teta Rozalija». Iliuzionas, Vilnius : Andrena, 91-98.
Zingeris, M. (2003). «Ma pauvre pauvre tante Rosalie» (traduit par C. Paliulis). Des âmes dans le brouillard, Caen : Presses Universitaires de Caen, 179-187.
TABLEAU 1
LES RÉSULTATS DE L’ANALYSE DES STRATÉGIES DE LA TRADUCTION DES DIMINUTIFS
N.o Stratégies de traduction Nombre d’exemples Pourcentages d’exemples trouvés
Transmission du sens connotatif contextuel des diminutifs
1. Changement de forme 126 27,6 %
2. Choix du synonyme 28 6,1 %
3. Traduction directe 23 5,0 %
4. Paraphrase 4 0,9 %
5. Calque suivi d’explication 14 3,1 %
Neutralisation des valeurs sémantiques et stylistiques des diminutifs
6. Changement de distribution sémantique 214 46,8 %
7. Omission 7 1,5 %
8. Calque 41 9,0 %
Total 457 100 %
1 Les suffixes cités présentent deux formes, celle du masculin et celle du féminin, par exemple, le suffix -elis (-ė) présente une forme masculine -elis et une forme féminine -elė.
2 Valentinas Pliskus est un des personnages de l’histoire. Les diminutifs étant très courants en Lituanie, l’auteur appelle souvent Valentinas par ses surnoms: Valius, Valiusi, ... (N.D.T.) (Kunčinas, 2003: 230).
3 Adomėlis est un diminutif de Adomas (N.D.T.) (Grušas, 2003: 141).