ÉVANGHÉLOS BITSORIS
Centre de traduction littéraire de l'Institut français d’Athènes
En remplaçant le couple oppositionnel pratique/théorie par l’association intime de l’expérience et de la réflexion, Antoine Berman à défini sa traductologie comme «la reprise réflexive de l’expérience qu’est la traduction,. Dans un texte inédit, rédigé en 1990-1991, il redéfinit son discours sur la traduction comme une «herméneutique, signifiant l’«auto-explicitation conceptuelle d’une expérience humaine fondamentale». Ce cheminement d’A. Berman peut être considéré comme un «tournant» ; pour expliquer cette Kehre et la raison pour laquelle il se réfère plutôt à l’«herméneutique de soi, de P. Ricceur qu’a la pensée heideggérienne, il nous faut scruter les présupposés philosophiques de sa traductologie.
Substituting the oppostional pair practice/theory with the intimate association of expérience and reflection, Antaine Bermon defined his traductology as the ·"reflective resumption of expérience, which is the translation". In an unpublished text, written in 1990-91, he defines anew his discourse on translation as à “hermeneutics” which means the “conceptual self-explicitation of à fundamental human expérience" Antoine Berman ‘s new position could be considered as à “turning point”; in arder to explain such à Kehre and the reasons why he refers more to Paul Ricoeur’s “hermeunetics of the self·" rather than to the thought of Heidegger, we hove to scrutinize the philosophical presuppositions of his traductology.
[...] Chaque chose m’est alors si connue, si chère; et ce qui m'était apparu singulier encore et étranger, devíent tout d’un coup maintenant comme un meuble de la maison.
L'étrangeté, justement me devient étrangère, et c’est la raison pour laquelle cette collection m’a toujours à la fois repoussé et attiré.
Novalis, Les Disciples à Saïs
La Fremdheit, c'cst aussi l’étrangeté de l’étranger dans toute sa force: le différent, le non-semblable, ce à quoi on ne peut donner la semblance du même qu’en le tuant. Ce peut étre le terrible de la différence, mais aussi la merveille de celle-ci; ainsi, toujours, est apparu l'étranger: démon ou déesse.
Antoine Berman, L’Épreuve de l’étranger
Lorsqu’elle m’a invité à participer à ce colloque, Martine Broda à assigné l’objet de mon intervention; elle voulait un texte portant sur la pensée d’Antoine Berman. Aussit6t j’ai proposé comme titre «La traductologie selon Antoine Berman», sans pour autant soupçonner à quelle heureuse aventure me conduirait cette proposition. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Madame Isabelle Berman qui m’a donné accès à un texte inédit de son mari, texte se référant exclusivement à sa propre manière d’appréhender aussi bien la traduction que le discours sur celle-ci.
Il s’agit d’une esquisse d’un Document de synthèse en vue de l’habilitation2, datant d’avril 1991, dont le premier chapitre s’intitule «Le concept de traductologie». Antoine Berman essaie d’y retracer après coup son itinéraire traductologique; démarche qui fait de ce document à la fois une post-auto-interprétation et un témoignage précieux de ce que l’auteur entendait par «traductologie», au moment ou il refait son propre parcours et s’efforce, avec le recul du temps, de le juger. Mais je reviendrai la-dessus plus loin.
Pour l’instant, je voudrais simplement justifier l'intitulé de mon intervention. En 1978, A. Berman fut invité à participer à un colloque, à l’Université de Toulouse-le Mirail, pour «parler» d’une de ses traductions, plus exactement la traduction du roman Moi, le Supreme de Roa Bastos, parue en 1977. Dans son discours, il essaie d’expliquer ce que parler de sa traduction veut dire:
«“Parler de sa traduction”, qu’est-cc que cela peut vouloir dire? Maints traducteurs choisissent de ne parler que de l’oeuvre elle-même; d’autres évoquent les “problèmes” qu’ils ont inévitablement rencontrés et soulignent à l’envi leur rôle d’”humbles” médiateurs; rares sont ceux (mais les choses sont en train de changer) qui présentent ce que j’appelle leur “projet-de-traduction” 3»
Dix ans plus tard, lors d’un autre colloque -aux cinquièmes Assises de la traduction littéraire en Arles, consacrées à la traduction des ceuvres de Freud- il intervient en attirant l’attention de son auditoire sur l’importance du «projet de traduction», qui seul doit déterminer notre jugement et qui, précise-t-il, «n’a pas besoin d’être théorique, notamment fondé sur la linguistique, mais par contre [...] à besoin d’exister 4».
S’il est vrai que, pour juger une traduction, il nous faut interroger le projet du traducteur, et voir s’il est cohérent, il me semble que, de la même fa<;on, pour parler du «discours “sur” la traduction» d’Antoine Berman, il est nécessaire d’examiner son projet de traductologie. Et par le terme de projet, j’entends deux choses: d’une part un programme comportant un certain nombre de taches à accomplir, et d’autre part la systématicité d’un discours sur (ou plutôt dans) la traduction. Et d’aillcurs, le tcrme de «projet de traductologie» est employé, nous le verrons, par A. Berman lui-même.
Pourquoi adopte-t-il le terme assez débattu de traductologie? Des le premier paragraphe du premier chapitre du texte d’habilitation, on lit: «Peu importe le nom» de ce «nouveau savoir5». Ce qui laisse à penser que le débat autour du nom devant désigner ce domaine spécifique de réflexion sur la traduction lui parait sinon futile, du moins sans incidence réelle. Mais un nom, surtout pour le traducteur théoricien, peut-il être tout à fait innocent, neutre ou transparent, au point qu’il soit possible de le négliger?
Si en 1991 A. Berman porte peu d’intérêt à l’appellation d’un savoir déjà établi et institutionnalisé, en révanche dans son livre majeur (L’Épreuve de l’étranger, 1984) il voit la chose différemment, peut-être parce qu’a l’époque la dénomination de cette «discipline» était encore sujet à controverse; et pourtant le terme de «traductologie» avait déja été proposé, et même revendiqué, comme il nous le rappelle lui-même en essayant de caractériser sa propre conception de ce savoir relativement récent:
«C’est ce qu’on à voulu appeler parfois la “traductologie” (d’autres noms moins heureux ont été également avancés) 6.» Dans le séminaire qui à eu lieu au Collège International de Philosophie lors du premier trimestre 1984 et qui sera presque intégralement publié sous le titre la Traduction et la lettre, il en dit un peu plus sur le nom de traductologie, pour lequel il opte finalement: «Assurément ce (relatif) néologisme est déjà monopolisé par nos méthodologistes et nos comparatistes, comme s’il s’agissait d’une nouvelle discipline couvrant un champ d’objectivation injustcment négligé jusqu’alors7.» Qui sont donc ces méthodologistes et ces comparatistes? Cette phrase est accompagnée d’une note qui renvoie au livre de Danica Selescovitch et Marianne Lederer (Interpréter pour traduire, Didier, 1984), qui inaugure une nouvelle collection portant le nom significatif de «Traductologie». I1 est hors de doute qu’une des cibles de la critique d’Antoine Berman est la théorie interprétative de la traduction élaborée par l’école E.S.I.T.
Tout d’abord, il convient de noter que cette mise en cause trace une première ligne de démarcation entre une «traductologie» déjà élaborée à partir des expériences accumulées après une longue pratique d’interpétariat, et le concept d’une autre traductologie, celle qu’A. Berman s’attache à cerner et à défendre. Ensuite, il est clair que cette question n’est pas une simple querelle de mots, et que par conséquent elle peut s’avérer beaucoup plus importante qu’il ne voulait l’avouer dans son texte d’habilitation. Tout cela nous conduit à essayer d’y voir plus clair, de révéler ce qui se cache derrière ce terme de traductologie, et de montrer pourquoi et comment A. Berman à adopté ce vocable pour désigner son propre discours sur la traduction.
Si l’on regarde de plus près ce qu’il dit, lorsqu’il en parle pour la première fois longuement8, on se rend compte que l’essentiel pour lui est d’une part de délimiter le statut épistémologique et théorique de sa propre traductologie, et d’autre part de clarifier les rapports de ce savoir aux autres disciplines. C’est pourquoi j’oserais dire que son discours se réfère, sans le nommer, à un autre débat, parfois assez vif et qui opposa Jean -René Ladmiral et Henri Meschonnic9: le premier considérait en effet le terme de «traductologie» comme «le meilleur équivalent de l’allemand Übersetzungswissenschaft, dont la traduction littérale serait “science de la traduction” 10», tandis que le second dénonçait à la fois «le rêve de science» impliqué par ce terme et «l’autonomie» qu’il présuppose, rendant ainsi ce savoir «régional», et l’isolant d’autres disciplines11 Meschonnic choisit la «théorie» ou plutôt la «poétique» de la traduction, qui évite à la fois le danger de scientificité et de régionalisation.
Sans faire allusion explicitement à ce débat, A. Berman y prend part d’une certaine fas:on, puisqu’il répond aux questions que cette controverse avait soulevées, en attaquant de front la sempiternelle opposition entre la pratique et la théorie, entre des théoriciens sans pratique et des praticiens sans théorie:
«Il en résulte une tenace mise en question de la possibilité d’une traductologie couvrant à la fois un champ théorique et pratique, qui serait élaborée à partir de l’expérience de la traduction; plus précisément, à partir de sa nature même d’expérience. Théoriciens abstraits et praticiens empiriques coïncident en ceci qu’ils affirment que l’expérience de la traduction n’est pas théorisable, ne doit et ne peut pas l’être. Or, cette présupposition est une négation du sens de l’acte de traduire: celui-ci, par définition, est une activité seconde et réflexive. La réflexivité lui est essentielle, et avec elle la systématicité 12.»
Comment «théorisera-t-on» cette expérience particulière qui rend réflexif l’acte de traduire, sans défaire la connexion étroite entre pratique et théorie? Telle est la préoccupation majeure d’A. Berman. Sa réponse est nette, sans aucune ambiguïté. Bien que cet aspect réflexif, mutuellement lié à une certaine intuitivité, «apparente bien plutôt [...] la traduction à une “science” qu’a un “art” 13», le discours sur celle-ci ne peut et ne doit pas être «une science de la traduction». L’avant-dernière page de l’Épreuve de l’étranger, en guise de conclusion aux raisonnements montrant à la fois la différence et la complémentarité de l’approche linguistique et l’approche traductologique, nous fournit la définition suivante: «Science de la traduction aurait des lors un double sens: science prenant le savoir de la traduction comme objet, “scientifisation” de la pratique de la traduction14.» II ne faut pas se méprendre au sens du terme «science de la traduction»; il ne qualifie pas la traductologie bermanienne, car celle-ci considère la traduction principalement «comme sujet de savoir, comme origine et source de savoir15», et partant elle n’a pas besoin de procéder à une objectivation scientifique de cette expérience, déjà porteuse d’un savoir particulier; par contre, ce terme désigne et en même temps délimite avant tour les droits et la portée d’autres disciplines - notamment la linguistique. Dans un texte datant de 1986 et qui est consacré totalement aux discours sur la traduction et à sa propre conception de la traductologie, A. Berman soutient qu’ «une traductologie doit exister comme savoir institué, même si ce savoir ne débouche pas sur une science, une Übersetzungswissenscheft16».
Cette affirmation revendique pour la traductologie -qui n’aspire à aucune scientificité- un espace propre, non occupé par d’autres disciplines: en d’autres termes, elle défend l’autonomie de ce savoir: «Le savoir qui prendra pour thème cet espace sera autonome: il ne relèvera en soi ni de la linguistique pure ou appliquée, ni de la littérature comparée, ni de la poétique, ni de l’étude des langues et littératures étrangères, etc, bien que toutes ces disciplines constituées revendiquent, chacune à leur manière, le champ de la traduction17.» Mais cela ne signifie pas que la traductologie devienne régionale ou exclusive; au contraire elle «est par excellence interdisciplinaire, précisément parce qu’elle se situe entre des disciplines diverses, souvent éloignées les unes des autres18». Ici, l’autonomie n’exclut pas l’existence de relations obligées. I1 va sans dire que cette autonomie affirmée se démarque aussi bien du projet de Georges Mounin qui, selon ses propres termes, «revendique pour 1’étude scientifique de la traduction le droit de devenir une branche de la linguistique19», que de la poétique de la traduction de Meschonnic, qui fait partie d’une «poétique» plus large; cette poétique «ne s’insere pas dans la linguistique de la traduction 20».
Si la «traductologie» d’A. Berman n’est ni scientifique, ni littéraire, quel est son rapport à la théorie? Est-ce qu’il envisage d’en faire une théorie de la traduction? Pour répondre à ces questions, il faut revenir au nom qui désigne son propre discours sur la traduction. Dans l’Épreuve de l’étranger, dans son souci de préciser comment il entend ce savoir, il se sent obligé de justifier l’adoption d’une dénomination déjà employée par d’autres:
«De fait, la traductologie, en tant que forme ou champ de savoir, pourrait être primordialement rapprochée de ces formes de “discours” récentes que sont l'“archéologie” de Michel Foucault, la “grammatologie” de Jacques Derrida ou la “poétologie” développée en Allemagne par Beda Allemann. Car plus que de disciplines “régionales”, il s’agit ici de l’émergence de types de réflexion portant sur des dimensions déjà découpées par d’autres disciplines constituées [...] 21.»
Ce parallélisme entre la traductologie et quelques autres discours se répète dans un autre texte, encore plus révélateur:
«Mais il en va de la l'“traductologie” comme de la “grammatologie” ou de l'archéologie”: dans les deux cas une détermination plus ou moins consacrée à été détournée pour signifier autre chose: moins le champ d’une connaissance que le lieu ouvert et tournoyant d’une réflexion 22.»
Premiere remarque: la poétologie de B. Allemann n’est plus mentionnée. Mais ce qui retient d’emblée notre attention, c’est la présence du logos dans les deux termes de grammatologie et d’archéologie, qui semblent rimer. Toutefois, ce logos implique autre chose que l’aspiration à une rationalité scientifique; en effet, ce qui rapproche les deux termes et en même temps les éloigne, les «détourne» de leur sens premier et consacré, c’est qu’ils se constituent plutôt en lieu de réflexion que de théorie.
De la même manière, A. Berman reprend le nom de traductologie pour le «détourner» de ses significations courantes, je dirais pour le déconstruire. En effet les deux grandes textes d’A. Berman se réclament à plusieurs reprises de la pensée heidegérienne. Si je me permets de déconstruction, c’est par allusion à la première tache, une des plus fondamentales peut être de sa traductologie, savoir l’analytique de la destruction, qui «prend en vue le fait que le traduire, en tant que restitution du sens (et il l’est toujours) est un processus de dégradation de la lettre des oeuvres23». D’ou la seconde tache, celle de la visée éthique de la traduction qui exige que le traducteur soit fidele, .fidus interpres, à la «pure vérité de la lettre24». Or, cette analytique de la destruction présuppose une autre «critique» qui vise à dévoiler l’essence éthique, poétique et pensante - recouverte et occultée - de la traduction:
«Pour accéder à cette dimension, il faut opérer une destruction (je reprends ce concept de Heidegger) de la tradition ethnocentrique, hypertextuelle et platonicienne de la traduction. Dans ses grands traits, ce travail de destruction est du reste identique à la “destruction” heidegérienne, elle-même suivie, dans la trajectoire de ce penseur, par un immense travail de “traduction” 25.»
L’allusion au titre du fameux § 6 de l’Être et Temps, «La tache d’une destruction de l’histoire de l’ontologie», nous permet de considérer la tache majeure du discours d’A. Berman comme un Abbau, une déconstruction non seulement des mécanismes qui conduisent à la traduction ethnocentrique, mais aussi des différentes significations qui font l’histoire du terme de «traductologie». Mais il ne faut pas se méprendre: de même que le terme heideggérien de destruction n’est pas négatif, de même le projet de destruction d’A. Berman dans son essence est une critique moins destructrice que positive; d’ailleurs, c’est lui-même qui insiste sur le fait qu’il se pourrait que «la destruction soit l’un de nos rapports à une ceuvre (à l’écrit). II se pourrait que l’oeuvre appelle aussi cette destruction26». En d’autres termes, il voit dans la destruction une nécessité qui contraint la glose, la critique et la traduction à être iconoclastes27. C’est ainsi que sa traductologie, en tant que commentaire et critique aussi bien des traductions que des discours sur la traduction, ne pourrait pas ne pas être une sorte de destruction.
Si ce discours ne peut pas être une science, quel est son rapport à la théorie? La réponse à cette question cst incluse dans la perspective qui s’ouvre à la pensée bermanienne. C’est en refusant de traiter la question de la vieille opposition entre pratique et théorie qu’A. Berman parvient à définir sa traductologie:
«Je dirai maintenant quelques mots concernant l’horizon du “discours” que j’entends tenir sur la traduction [...]. Il ne peut être question ici de théorie, d’aucune sorte. Mais plutôt de réflexion, dans un sens que je préciserai bientôt. Je veux me situer entièrement hors du cadre conceptuel fourni par le couple théorie/pratique, et remplacer ce couple par celui d’expérience et de réflexion. Le rapport de l’expérience et de la réfléxion n’est pas celui de la pratique et de la théorie. La traduction est une expérience qui peut s’ouvrir et se (re)saisir dans la réflexion. Plus précisément: elle est originellement (et en tant qu’expérience) réflexion. Cette réflexion n’est ni la description impressionniste des processus subjectifs de l’acte de traduire, ni une méthodologie28.»
‘A présent, nous sommes en mesure de comprendre pour quelles raisons cette traductologie ne prétend pas être une théorie. En premier lieu, non seulement elle n’aspire pas à «échafauder une théorie générale de la traduction», mais en plus elle démontre «qu’une telle théorie ne peut exister, puisque l’espace de la traduction est babélien, c’est-a-dire récuse toute totalisation29». Mais la raison la plus essentielle cst ailleurs. Pour A. Berman une théoric globale et unique du traduire «n’est possible que dans l’horizon de la restitution du sens 30», en ce lieu ou le travail sur la lettre est occulté. D’où cet aphorisme, qui montre le caractère idéologique de cette théorie construisant un système qui altère, défigure les dimensions de la lettre: «Toute théorie de la traduction est la théorisation de la destruction de la lettre au profit du sens 31.» Si A. Berman arrive à considérer qu’aucune théorie n’évite la destruction de la lettre, il est convaincu en revanche que finalement cette lettre doit être sauvée, en tout cas défendue. C’est le rôle majeur de sa propre traductologie.
Une fois ces distinctions dairement établies, il reste à voir comment A. Berman définit, affirmativement, son propre discours traductologique:
«La traductologie: la réflexion de la traduction sur elle-même à partir de sa nature d’expérience 32 .»
«La traductologie est donc la reprise réflexive de l’expérience qu’est la traduction, et non une théorie qui viendrait décrire, analyser et éventuellement régir celle-ci 33.»
Un examen attentif des explications données par A. Berman en ce qui concerne les concepts d’expérience et de réflexion peut provoquer un sentiment de perplexité. En effet, il ne manque pas de nous rappeler que ces deux vocables sont au fond des Grundworte de la philosophie, et d’aligner des noms de philosophes -Kant, Fichte, Hegel, Husserl, Benjamin et Heidegger - qui les ont illustres par leurs ana lyses. Mais il va de soi que ces philosophes n’appréhendent pas de la même façon ces catégories de pensée. D’où la question: dans quel sens A. Berman entend-t-il ces deux catégories de pensée?
On ne peut y répondre, surtout en ce qui concerne la réflexion, qu’en suivant au plus pres l’evolution de la pensée et d es réticences d'A. Berman. Nous allons parler du concept de réflexion plus loin. Quant à celui d’expérience, A. Berman croit qu’il s’explique mieux à partir du paradigme heideggérien; il trouve l’illustration de l’idée qu’il s’en fait lui-même dans un passage du texte intitule «Das Wesen der Sprache» qu’il n’hésite pas à citer:
«Le discours ici ébauché s’enracine dans l’expérience de la traduction - dans la traduction comme expérience. De l’expérience Heidegger dit:
“Faire une expérience avec quoi que ce soit [...] cela veut dire: le laisser venir sur nous, qu’il nous atteigne, nous tombe dessus, nous renverse et nous rende autre. Dans cette expression, ‘faire’ ne signifie justement pas que nous sommes les opérateurs de l’expérience; faire veut dire ici, comme dans la locution ‘faire une maladie’, passer à travers, souffrir de bout en bout, endurer, accueillir ce qui nous atteint en nous soumettant à lui [...] 34,,
Je me permets de rappeler que le titre du livre majeur d'A. Berman, l’Epreuve de l’etran ger, renvoie explicitement 35 à un commentaire de Heidegger sur un poème de Hölderlin. Il est des lors plus facile de comprendre pourquoi on a traduit l’expression allemande «Erfahrung des Fremden» par «épreuve de l’étranger»; il s’agit d’une expérience qui nous fait sortir de nous-mêmes, qui nous jette hors de nous mêmes, quelque part ou nous allons rencontrer l’autre qui va nous altérer et en même temps nous apprendre à nous connaître nous-mêmes. Pour A. Berman, l’expérience entendue comme telle est probablement le concept «le plus élevé que la pensée allemande de l’époque ait créé» pour interpréter la Bildung, cet «auto-processus ou il s’agit d’un “même” qui se déploie jusqu’à acquérir sa pleine dimension 36». La traduction en tant qu’expérience fait exactement le même parcours qui apporte une double connaissance, de soi et de l’altérité. Le moment est venu d’aborder la question de la réflexivité qui à amené A. Berman à la redéfinition de sa traductologie. Mais nous devons nous pencher pour cela sur le «Document de synthèse en vue de l’habilitation».
Le texte d’habilitation dans son ensemble pourrait etre considere comme une esquisse de post-auto-interprétation; je serais même tenté de dire qu’il montre aussi la voie qui conduirait à l’accomplissement de la cinquième tache de la traductologie bermanienne, c’est-à-dire 1’analytique du traducteur, et partant du traduc tologue. Ici, auto-analyse et auto-interprétation s’entremêlent; il serait intéressant d’examiner les deux dimensions de cette tentative à l’aide d’une analyse qui se focaliserait sur ce qui relève de l’apres-coup, de la Nachträglichkeit.
Le premier chapitre est une étude à la fois rétrospective et prospective de ce qu’on pourrait appeler «traductologie bermanienne». Rétrospective, parce qu’elle retrace les grandes lignes de ce discours, sans changer grand-chose à ce qu’il à été dit dans des textes antérieurs dissertant du même sujet. Prospective -et c’est cet aspect qui nous intéresse ici avant tout- à partir du moment ou ce balayage commence à éclairer un autre cheminement d’A. Berman, une sorte de Kehre, de tournant. Tout commence à la première page, ou l’on trouve deux définitions de la traductologie bermanienne, l’ancienne côtoyant la nouvelle:
«Dans mon article “La traduction et ses discours” (1986), j’ai essayé de passer en revue les divers types de “discours” existants sur la traduction, et d’ébaucher le plan architectonique d’une traductologie considérée comme la reprise réflexive de l’expérience qu’est la traduction.
»Je dirais aujourd’hui: comme une herméneutique de la dimension traductive, “herméneutique” signifiant ici pour moi, comme pour la tradition de pensée dont je me réclame (et dont Paul Ricoeur est en France le meilleur représentant), l’auto-explicitation conceptuelle d’une expérience humaine fondamentale. Le projet d’une herméneutique traductologique se justifie par le fait que la dimension traductive est réellement “fondamentale”, c’est-a-dire est une dimension dans laquelle tout agir et produire humains se trouvent “pris” en tant qu’íls sont “pris” dans le scripturaire et le langagier37.»
Je n’ai pas la possibilité d’interpréter et de commenter ici en détail ce tournant de la pensée d’A. Berman. Je me contenterai donc de commenter, aussi brièvement que possible, la nouvelle définition, en essayant d’indiquer les raisons pour lesquelles il est conduit à redéfinir sa traductologie.
Premiere remarque: le remplacement de l’expression «reprise réflexive de l’expérience» par celle d’«auto-explicitation conceptuelle d’une expérience» nous conduit tout droit à la pensée heidegérienne. En effet, cette autoexplicitation nous renvoie au terme allemand Auslegung, notamment à l’Etre et Temps, au 32 intitulé «Comprendre et expicitation» («Verstehen und Auslegung»). Françoise Dastur montre très bien que «pour Heidegger le sens méthodique de la description phénoménologique est l’explicitation et non pas ce qu’il est pour Husserl, la réflexion 38». C’est ainsi que se différencie la phénoménologie herméneutique heidegérienne de la phénoménologie transcendantale husserlienne; plus précisément cette différenciation s’opère à partir du moment ou l’Auslegung husserlienne cesse d’être une attitude théorique, pour être considérée non comme «la prise de connaissance du compris, mais [comme] l’élaboration des possibilités projetées dans le comprendre39». Finalement, l’explicitation n’est rien d’autre qu’une attitude pré-théorique se fondant dans la compréhension. Tout cela caractérise le mouvement du Dasein qui s’annonce à lui-même, parvient à «la connaissance de soi». C’est à ce niveau que F. Dastur n’hésite pas à parler d’un «processus d’auto-explicitation40», disons d’une Selbstauslegung.
Des lors, nous sommes en mesure de dire que le terme auto-explicitation chez A. Berman en remplace un autre, celui d’auto-réflexion, qui renvoie plutôt à la théorie spéculative des romantiques allemands qu’a la phénoménologie husserlienne 4041. Dans l’introduction du texte d’habilitation, après avoir distingué deux sortes de traductologie: d’une part la «scientifique» (qui correspond grosso modo à la «traductique») et d’autre part l’«“essayistique” et même, à son extrémité, “spéculative”», il souligne que dans la seconde il y à «la dangereuse abscence de limites de la réflexion 42». En optant, comme il le dit lui-même, pour la traductologie essayistique, il tient certainement à éviter le danger de cette auto-réflexion, qui conduit à un monologisme spéculatif. Ce danger est explicité dans la critique qu’il exerce sur la théorie spéculative de la traduction à l’époque romantique en Allemagne. Voici son jugement sur ce mouvement qui lui à inspiré son livre majeur:
«Une trajectoire littéraire et intellectuelle d’autant plus affamée d’auto-affirmation et d’absoluité qu’elle se coupait progressivement de tout sol historique et langagier à cru trouver sa propre image - de plus en plus exsangue et privée de vie. Tout n’est pas monologue et auto-réflexion dans l’histoire de la poésie et de la littérature modernes.
Mais il est certain qu’il s’agit d’une tendance dominante. On peut parfaitement se reconnaitre en elle. On peut aussi, et c’est notre
position, la refuser au nom de l’expérience d’une autre dimension littéraire 43.»
Maintenant tout s’éclaire: A. Berman abandonne l’expression «reprise refléxive» parce que celle-ci peut être confondue avec l’auto-réflexion, qui s’accompagne parfois d’autres significations lui donnant le caractère d’un acte théorique.
Mais pourquoi ne se réclame-t-il pas de l’herméneutique heideggérienne, qui par ailleurs lui permet -grâce à la critique de la réflexion husserlienne et la mise en valeur de l’explicitation en tant que mode d’être préthéorique- de défendre la dimension précompréhensive de l’expériense de la traduction? Parce qu’il à trouvé mieux chez «l’herméneutique du soi» de Paul Ricoeur. Pour le lecteur avisé de l’oeuvre d’Antoine Berman, la référence à l’herméneutique de P. Ricceur est une grande surprise. Si je ne me trompe, c’est la première fois que le nom de ce philosophe est mentionné. Pourtant, l’affinité entre le mode de pensée du traductologue et celui du philosophe est grande.Je me contenterai de commenter un seul aspect de cette affinité, peut-être le plus fondamental.
L’herméneutique de P. Ricceur, en comparaison avec celle de Heidegger, met l’explicitation en rapport direct avec l’interprétation des textes: «Comprendre, c’est se comprendre devant le texte. [...] La compréhension est alors tout le contraire d’une constitution dont le sujet aurait la dé. Il serait à cet égard plus juste de dire que le soi est constitué par la “chose” du texte44 .»
C’est la fameuse différence entre «la voie courte» de l’ontologie de compréhension de Heidegger et «la voie longue» de l’herméneutique de P. Ricoeur45. Pour A. Berman, le fait que la traduction en tant qu’expérience textuelle est déjà porteuse d’un savoir propre correspond parfaitement à ce que P. Ricoeur nous dit de la compréhension de soi: celle-ci est impossible sans la médiation par les textes.
Les correspondances entre la traductologie d’A. Berman et l’herméneutique du soi de P. Ricoeur s’affirment, si l’on regarde de plus près comment elles traitent les questions de I’a-uvre, de l’écriture, de l’autre, de l’éthique, de l’histoire. Il reste encore à analyser le rapport de la pensée d’A. Berman avec l’herméneutique en général, et en particulier avec celle de Schleiermacher.
Si nous avons essayé de scruter les présupposés philosophiques de la traductologie d’A. Berman, nous n’avions pas l’intention de la considérer comme une philosophie de la traduction et par conséquent de contredire ce qu’il a dit lui-même sur son propre discours: «La traductologie, sans du tout être une “philosophie de la traduction”, doit nécessairement s’enraciner dans la pensée philosophique46.»
Nous avons plutôt voulu montrer qu’un commentaire sur la traductologie bermanienne ne peut pas se dispenser d’avoir recours à la pensée philosophique, d’autant plus que «la traduction peut fort bien se passer de théorie, non de pensée47».
En examinant les différents discours tenus sur la traduction, A. Berman les distribue, grosso modo, en trois catégories: le discours «traditionel», le discours «objectif», et le discours d’«expérience» 48. Ce dernier relève à la fois de la philosophie et de la psychanalyse. Maintenant apparait clairement le point d’affinité entre la philosophie en général -et en particulier l’herméneutique- et sa propre pensée traductologique. C’est, avant tout, l’expérience. Une expérience portant en elle-même le germe d’un savoir, expérience qui est en fait une pré-compréhension unique et précieuse. Pour caractériser sommairement le parcours traductologique d’A. Berman, je me permettrai d’intervertir les termes d’un titre fameux de M. Heidegger: Aus dem Denken der Erfahrung.
La traductologie herméneutique d’A. Berman est hantée par le caractère profondément conflictuel de la traduction. Si l’essence de celle-ci est d’être «ouverture, dialogue, métissage, décentrement49», d’un autre côté elle est aussi déchirée, travaillée par nombre de couples oppositionnels et disjonctifs qui proviennent essentiellement de la différence des langues, ou selon la terminologie biblique de leur «confusion», parfois mentionnée comme «division» 50: l’original et/ou la traduction, le propre et/ou l’étranger, le sens et/ou la lettre, fidélité et/ou liberté, traduisible et/ou intraduisible...
La fin ultime de ce projet traductologique n’est pas de nier ni de supprimer cet état de dissension inhérent à la traduction, mais de le transcender dans la révélation de la vérité de la traduction. On pourrait dire qu’ici la traduction est considérée plutôt comme un lieu de séparation, une sorte de khóra donnant lieu au khórismos; mais celui-ci est dépassé -pris dans une relève, une sorte d’Aufbebung hégélienne ou plutôt d’ Überwindung heideggérienne- dans le mouvement profond de la traduction ellemême, c’est-a-dire dans sa visée éthique. En recevant dans son propre 1’ étrangeté, cette Fremdheit que Humboldt rejette, le traducteur non ethnocentrique réactualise le double sens du verbe grec xénizein: a) «accueillir en hôte, traiter d’une manière hospitalière» et b) «étonner par la nouveauté, dépayser» ou «avoir l’air étranger», d’où «avoir un aspect étrange». Des lors, la traduction devient un «lieu d’accueil ou d’hébergement (hypodockhè)51», ou règne le xénismos dans son double sens: «réception d’un étranger (xénos}» et «caractère étrange d’une chose, étrangeté, nouveauté»; il me semble que le mot grec xénismos rend parfaitement les connotations qui sont attribuées par A. Berman au terme allemand Fremdheit 52. Sa traductologie incite le traducteur à bâtir une maison qui sera en même temps hospitalière et étrange; elle sera ce lieu ou cohabiteront le propre et l’étranger sans que leur différence soit déniée.
De surcroit, en substituant à la vieille opposition/disjonction de la pratique et/ou de la théorie le couple de 1’expérience et de la réflexion ou auto-explicitation, la traductologie bermanienne procède à un autre surmontement qui révèle l’essence du traduire. Au fond, expérience et réflexivité ne sont que les deux composantes indissociables d’un seul et unique ensemble: la traduction elle-même. C’est le don suprême d’A. Berman offert aux traducteurs et aux traductologues: sa conviction sereine que dans la traduction en tant que lieu de déchirement et de séparation, cohexistent en même temps, et presque sans aucune antériorité temporelle ou logique, 1’expérience et la pensée. On serait en droit de dire que la traductologie herméneutique d’Antoine Berman est par essence le prolongement explicitatif d’une apparente dualité qui se profile en unité.
RECIBIDO EN SEPTIEMBRE DE 1995
1 Communication prononcée lors du colloque «La traduction - poésie», organisé par Martine Broda dans le cadre des manifestations du College lnternational de Philosophie París. Ce colloque, dédié la mémoire d’.Antoine Berman, s’est déroulé du 3 au 5 uin 1993 l’Ecole Normale Supérieure.
2 «Document de synthèse en vue de l’habilitation». Ce texte sera désormais mentionné sous le titre «Document de synthèse».
3 Ibid, p. 6.
4 Cinquièmes assises de la traduction littéraire: Traduire
Freud, Actes Sud, 1989, p. 114.
5 « Document de synthèse », op. cit., p 17.
6 L’Épreuve de l’étranger: Culture et traduction dans l’Allemagne romantique, Paris, Gallimard, col!. «Les Essais», 1984, p. 290.
7 «La traduction et la lettre, ou l’Auberge du lointain», in Les Tours de Babel, Mauvezin, Trans-Europ-Repress, 1985, p. 38-39.
8 Cf. L’Épreuve de l’étranger, op. cit., p. 289-305.
9 Cf. J.-R. Ladmiral et H. Meschonnic, «Poétique de.../Théorèmes pour... la traduction», in Langue française, nº 51, septembre 1981, p. 3-18.
10 Ibid., p. 22, note 7. Voir aussi la note suivante à la même page, ou l’auteur insiste sur le sens élargi du terme allemand wissenschaftlich, « scientifique », sens qui est respecté dans le choix du terme traductologie.
11 Ibid, p. 8.
12 L’Épreuve de l’étranger, op. cit., p. 300-01.
13 Ibiil., p. 301.
14 Ibid., p.304.
15 Ibid., p. 290. Au dernier paragraphe de la même page, on peut lire aussi : « La traduction constitue une telle dimension. Porteuse d’un savoir propre, elle ne peut être le sujet de ce savoir que si elle s’ouvre sur une traductologie au sens esquissé 1c1. »
16 « La traduction et ses discours », in Confrontation, nº 16, automne 1986, p. 94.
17 L'Épreuve de l'étranger, op. cit., p. 291
18 Ibid., p. 291.
19 G. Mounin, « Les problèmes théoriques de la traduction », in Linguistique et traduction, Bruxelles, Dessart et Mardaga, 1976, p. 273.
20 H. Meschonnic, « D’une linguistique de la traduction à la poétique de la traduction », in Pour la poétique, II, Paris, Gallimard, 1973, p. 350.
21 Op. cit., p. 290.
22 «La traduction et la lettre», op. cit., p. 39.
23 «La traduction et ses discours», op. cit., p. 90.
24 «Document de synthèse», op. cit., p. 25-26.
25 «La traduction et la lettre», op. cit., p. 46.
26 Ibid., p.81.
27 Cf. « La traduction et ses discours», op. cit., p. 91, et « La traduction et la lettre», op. cit., p. 82 et note 53.
28 «La traduction et la lettre», op. cit., p. 37-38.
29 lbid., p 41.
30 « La traduction et ses discours », o/’· cit., p. 90.
31 « La traduction et la lettre », op. czt., p. 81.
32 lbid., p 39.
33 « La traduction et ses discours », op. cit., p. 89.
34 «La traduction et la lettre», op. cit., p.38.
35 «Or, ce caractère unique de la poésie hölderlienne peut être défini para les du poème Mémoire : "L'épreuve de l'étranger et l'apprentissage du propre"», L'Épreuve de l'étranger, op., cti., p. 256.
36 Ibid., p. 74.
37 «Document de synthèse », op. cit., p. 17.
38 F. Dastur, « De la phénoménologie transcendantale à la phénoménologie herméneutique », in Paul Ricaeur: Les Métamorphoses de la raison herméneutique, (éd, J. Greisch et R. Kearney), París, Cerf, coll. « Passages », 1991, p. 46.
39 M. Heidegger, Être et Temps, trad. par E. Martineau, Authentica, 1985, p. 122.
40 F. Dastur, op. cit., p. 49.
41 «A la fin d’une note (dans son article « Le savoir de la traduction: traductique et traductologie », Césure, nº 1, septembre 1991, p. 103, note 1), A. Berman rappelle que « le premier Romantisme allemand, avec Novalis et Friedrich Schlegel, à précisément pensé là traduction comme réflexion (et auto-réflexion) ».
42 «Document de synthèse », op. cit., p. 7-8.
43 L’Épreuve de l’étranger, op. cit., p. 38.
44 P. Ricoeur, Du texte à l’action, Paris, Seuil, 1986, p. 116-117.
45 Cf. l’article de Jean Greisch « Vers une herméneutique du soi : la voie courte et la voie longue », in Revue de Métaphysique et de Morale, 1993, nº 3, juillet-septembre 1993, p. 413-427.
46 « La traduction et la lettre », op. cit., p. 39.
47 Ibid., p. 39.
48 Cf._« La traduction et ses discours », op. cit., p. 83-87.
49 L’Épreuve de l’étranger, op. cit., p. 16.
50 Cf. Serge Lusignan, Parler vulgairement, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1986, p. 51-52.
51 J. Derrida, Khóra, Paris, Galilée, 1993, p. 75.
52 Cf. L’Épeuve de l’étranger, op. cit., p. 246-249.