Images et sons des géopolitiques urbaines

 

Images and Sounds of Urban Geopolitics

 

Pietsie Feenstra

Université Paul Valéry Montpellier 3

pietsie.feenstra@univ-montp3.fr

https://orcid.org/0000-0002-6992-9681

 

Jezabel Gutiérrez Pequeño

IUT Dijon- Auxerre,  Université de Bourgogne

jezabel.gutierrez-pequeno@iut-dijon.u-bourgogne.fr

https://orcid.org/0000-0003-3596-8671

 

Jordi Macarro Fernández

Université Paul Valéry Montpellier 3

jmacfernandez@gmail.com

 http://orcid.org/0000-0002-6115-2900

Resumen:

Depuis ses débuts, le cinéma a façonné un imaginaire collectif à travers les images urbaines sur l'écran, dépeignant autant de types de villes que l'on peut lire du point de vue audiovisuel et photographique. Les villes sont des tissages d'images et de sons qui combinent des émotions et des expériences que le cinéma a su s'approprier depuis les années 1920 et 1930 avec les symphonies urbaines qui marquaient un échange vivant entre images et montage. Scènes de récits cinématographiques ou protagonistes de ceux-ci, les villes ont été l'objet d'étude de nombreuses disciplines artistiques qui ont su les interroger sur des questions de nature géopolitique à partir de créations sonores et visuelles créées par l'espace urbain. Ce dossier monographique se concentre sur l'étude des images et des sons de ces géopolitiques urbaines, en organisant les travaux de réflexion en quatre catégories - Occupation de l'espace urbain ; Visions apocalyptiques et futuristes ; Géopolitiques sonores ; et Représentations socio-historiques de l'espace urbain - créant ainsi un voyage dans les recoins de l'identité kaléidoscopique des univers audio-logo-visuels urbains.

 

Abstract:

Since its beginnings, cinema has shaped a collective imaginary through urban screen images, portraying as many types of cities that could be represented from an audiovisual or photographic viewpoint. Cities are weavings of images and sounds that combine emotions and experiences that film was able to adapt since the 1920s and 1930s, citing for example the well known City Symphonies that introduced a dynamic interaction between the sound track and urban film images through the way of editing. Being a setting for the narration or becoming the main character, cities can be studied by a diversity of academic artistic approaches, that can question them on geopolitical issues, while analysing the audio and visual creations of urban sites. This monographic study focuses on these subjects in the next four sections: Occupying urban space, Apocalyptic and futuristic visions; Geopolitical sounds and Socio-historical representations of urban space – this diversity of topics treated creates a journey through the nooks and crannies of the kaleidoscopic identity of urban audio-logo-visual settings.

 

Mots clés :  Sinfonía urbana; audiovisual; geopolítica; sonoridad; espacio urbano.

 

Keywords: Urban Symphony; Audio-Visual; Geopolitics; Sonority; Urban Space.

Dans les années 1920 et 1930, les symphonies urbaines ont marqué l’histoire du cinéma (Walter Ruttmann, Berlin Symphonie d’une grande ville, 1927 ; Vertov, L’homme à la caméra, 1929 ; Joris Ivens, Le pont, 1928 ou La pluie, 1929 ; Jean Vigo, A propos de Nice, 1930). La bande sonore proposait alors des lectures vivantes en interaction avec les images et le montage donnait à voir des interprétations stimulantes de l’espace urbain. Un siècle plus tard, en 2020, la crise sanitaire s’immisça pendant des mois dans le rythme de la ville, qui se mit à vivre au ralenti : peu de voitures, une heure de déconfinement par jour pour les citoyens... La ville criait le silence par ce vide, l’espace urbain était devenu étonnant : le silence devint audible car nous attendions (et même nous entendions) une autre ville. Georges Simmel affirmait en 1902 (cf. 2013) l’influence des grandes villes sur l’état d’esprit de l’être humain : en 2020, nous avons pu expérimenter un nouveau phénomène, le « silence urbain », qui aura marqué les esprits et l’Histoire. La crise sanitaire avait imposé un « arrêt sur image » sur la vie et sur la ville, témoignage de ce énorme et inattendu changement. Les villes étaient régulièrement montrées à la télévision et les questions géopolitiques liées au virus résonnaient sans cesse dans les discours. La ville, l’espace urbain, étaient la plateforme d’une nouvelle réalité, d’un silence, d’une inquiétude, d’un isolement imposé. Et c’est dans ce nouveau cadre urbain, avec ses restrictions sociales et spatiales, que la recherche scientifique a trouvé son nouvel objet d’étude.

Depuis 2020, l’image de la ville a été certainement modifiée puisque le confinement a, si non arrêté, du moins ralenti toute la dynamique urbaine. Comme le soulignait Karl Schlogel en 2003 dans son œuvre Im Raume lesen wir die Zeit, Uber Zivilization Geschichte und Geopolitik (cf. 2003), dans « l’espace » nous lisons aussi désormais le temps et le cinéma peut en témoigner puisque la création artistique visuelle et sonore permet d’interroger la ville sur les questions de géopolitique urbaine. Le cinéma fait parler les villes et en crée de nouvelles formes par l’interaction entre l’image et le son. Ce numéro réfléchit sur l’ensemble de ces questions et fait suite à plusieurs rencontres scientifiques entre universités espagnoles et françaises, dont la cinquième édition des Journées Internationales de cinéma sur la représentation audiovisuelle des images et des sons des géopolitiques urbaines qui s’est tenue à Montpellier en 2021. La rencontre, sous la direction de Madame la Professeure Pietsie Feenstra, s’était donné pour objectif de croiser les regards et les approches issus de champs disciplinaires aussi divers que la Linguistique, l’Histoire, les études cinématographiques, la Sociologie, la Littérature ou le Droit autour des notions de ville, politique, pouvoir, mémoire. Cette manifestation scientifique s'inscrit dans la continuité des journées d’études bisannuelles organisées depuis 2012 par les professeurs Jezabel Gutiérrez Pequeño et Jordi Macarro Fernández[1] dans différentes universités françaises. Elle rejoint également l’un des projets de recherche de Pietsie Feenstra sur la performativité de la ville et les pratiques artistiques, qu’elle mène avec la chercheuse Lorena Verzero de l’Université de Buenos Aires (Conicet). Une première rencontre avait eu lieu en février 2018 à l’Université Paul Valéry 3 en collaboration avec la Maison Heidelberg de Montpellier : « Berlin, la performativité de la mémoire ». Berlin est une ville avec une riche production artistique, qui rappelle son histoire dans de nombreux espaces de mémoire. Nous avions étudié la politique de la mémoire depuis 1989 et la manière dont l’art (théâtre, cinéma...) avait mis en place une réflexion autour de l’écriture de l’histoire en créant « l’expérience » d’une période « terminée », mais dont les traces dominaient encore les lieux et la mémoire de la ville. Cette journée d’études faisait partie d’un projet scientifique international plus vaste sur les villes et la performativité de la mémoire, toujours en collaboration avec Lorena Verzero de l’Université de Buenos Aires. Suite à cette première rencontre de 2018, Lorena Verzero et Pietsie Feenstra ont publié l’ouvrage collectif Ciudades performativas. Prácticas artísticas y políticas de (des)memoria en Buenos Aires, Berlín y Madrid, publié en 2021 à Buenos Aires aux Éditions Clacso, et présenté lors du colloque du mois de mai 2021 à Montpellier.

Le sujet central de cette publication était la performativité de la ville : de quelle façon l’Art s’approprie l’espace urbain pour rendre présent le passé dans des lieux spécifiques ? Et quelle est la spécificité artistique de ce choix de le rendre visible ? Trois villes avaient alors guidé nos travaux, Buenos Aires, Berlin et Madrid, trois capitales qui témoignent d’un passé récent difficile. Notre choix s’est porté sur les périodes de transition, celles qui suivent les régimes politiques totalitaires : en ce qui concerne l’Argentine, ce fut la période postérieure à la dernière dictature militaire (1976 à 1983) ; pour l’Allemagne, nous avons pris comme élément de référence le mur de Berlin et sa chute en 1989 ; en Espagne, nous nous sommes focalisés sur la période postfranquiste d’après 1975. Les trois capitales sont les témoins de ce douloureux passé : les monuments ou les lieux de mémoire s’imposent dans le paysage urbain, mais il arrive que la politique de la mémoire efface toute référence à un passé sombre. Nous avions donc fait le choix de présenter les différentes politiques sur la mémoire historique avant de proposer une étude de cas pour chaque pays (un roman, une pièce de théâtre, un film, une installation), afin de mettre en exergue la façon dont l’Art s’est approprié la question de l’écriture de l’Histoire dans ces capitales.

Depuis ses débuts le cinéma a façonné et façonne encore aujourd’hui un imaginaire collectif par le biais des images urbaines présentes à l’écran. Les villes sont à la fois décor et personnage principal des films, (Caparrós, 2013) ; elles deviennent souvent des ensembles muséaux et parfois, au gré des décors, de simples « parcs à thème ». Les images urbaines ont ainsi été figées à jamais par les cinéastes dans leurs œuvres, conditionnant alors notre propre perception de la ville (Camarero, 2013, p. 6), des instantanées prises sous des angles très différents et avec des intentions très diverses : des city symphonies en tant que réflexions complexes sur les rapports qu’entretiennent l’avant-garde, le cinéma et la ville (Gauthier, 2013, pp. 54-55; Hueso, 2013) jusqu’aux espaces de l’imaginaire qui abritent des utopies et des dystopies, sans oublier les décors dépeignant les révolutions urbaines, les tableaux de genre, détruits ou en construction, les décors des conflits armés et des avancées cosmopolites, tous des lieux d’une métamorphose à la fois signifiant et signifié de l’action. (cf. Camarero, 2013).

Il existe autant de types de ville que de lectures de ces mêmes villes si l’on se tient au « regard du cinéma » et à la multiplicité plastique de la ville en tant qu’objet, en tant qu’« espace de changement » aussi bien au cinéma qu’en architecture. Les villes sont également des « contenants » spatiaux d’événements géopolitiques (Cagneau, Olagnier et Schwerter, 2017, p. 8) : leurs rues, leurs monuments, leur architecture moderne et ancienne, visible ou disparue, éphémère ou durable ; l’univers matériel qui côtoie l’intangible, qui définit également l’espace ; l’invisible audible : la parole, le son) ; ce que l’on perçoit et ce que l’on vit : les actes répétés…). La ville est une trame d’images et de sons, ce sont des émotions et du vécu que le cinéma a su s’approprier. (Ciudades performativas. Prácticas artísticas y políticas de (des)memoria en Buenos Aires, Berlín, Madrid, P.Feenstra, L.Verzero (dir.) Edición Clacso, 2021). L’homme a bâti les villes, synonymes de communauté et de modernité, il les a ensuite détruites et reconstruites, il les a imaginées, dessinées, estompées… et la ville est devenue un organisme vivant, avec sa propre identité.

Ce dossier monographique s’articule en quatre sections qui structurent les propositions fort variées des auteurs et qui envisagent les différentes modalités de représentation et de captation de la polis, reflétées dans les objets audiovisuels. Le parcours scientifique dessiné par les seize travaux qui composent cette monographique nous permet de nous plonger non seulement dans les espaces physiques et visuellement tangibles de la ville, mais aussi dans les manifestations sonores multiples et hétérogènes qui les entourent, tout en consolidant le cadre théorique qui sous-tend l'approche géopolitique adoptée.

Le monographique commence par la section intitulée « Occupation de l'espace urbain », dans laquelle les espaces urbains sont définis comme des entités à la fois adaptées et « adaptantes » pour ceux qui les habitent : les villes deviennent des organismes de stratification et, par extension, d'une marginalisation sociale qui conduit à l'assujettissement de l'individu qui les occupe. Souvent, ces phénomènes sont le résultat du processus imparable de gentrification de la grande civitas. Nous sommes alors témoins de la façon dont la lassitude et la précarité sociale et urbaine dans laquelle est plongée une partie de la population deviennent la graine dont vont émerger les mouvements citoyens, qui acquièrent une identité et une corporalité à travers les multiples initiatives de conquête des espaces urbains.

Dans « Los marginados de la ciudad virtual : la infrapolítica en Joker de Todd Phillips y Parásitos de Bong John Ho », Àngel Quintana analyse, à travers le prisme de l’« infrapolitique », les paysages urbains en tant qu’ entités oppressives qui contribuent au déséquilibre et à l'altération mentale de leurs habitants qui, face à l'impasse du système éthico-politique contemporain, répondent par une résistance quotidienne jusqu’au-boutiste. Cette même rupture urbaine et sociale est la colonne vertébrale de l'étude de Matei Chiaia dans « Le centre commercial dans le cinéma d'Argentine et du Chili » qui, depuis une perspective ouvertement historique, se concentre sur les divergences structurelles des espaces de loisirs et de consommation, marquées par l'opposition entre une horizontalité, proprement européenne, et une verticalité héritière du centre commercial américain, toutes les deux métaphores visuelles de la fragmentation sociale et des processus palimpsestiques de la mémoire historique au Chili et en Argentine.

Paradoxalement, c'est ce Chili de la verticalité oppressante que dépeint Olga Lobo dans son étude « Ganar la calle : imágenes de la(s) resistencia(s) en Chile. A propósito de Hoy y no mañana (Josefina Morandé, 2018) », dans laquelle elle égrène les étapes de la reconquête de la géographie urbaine par les citoyens. Santiago du Chili cesse d’écarter l'individu et devient l’espace retrouvé par le peuple désormais maître de son destin. Après les mouvements étudiants de 2019, la ville se re-signifie et montre le combat pour la réappropriation de l’espace urbain à travers l'œil-caméra qui narre le déracinement d’un passé remis en question.

Carolina Urrutia et Catalina Ide reprennent le leitmotiv de la zone urbaine retrouvée dans “Juventudes urbanas : ciudad, cuerpo, virtualidad en el cine latinoamericano (Chile, Argentina y México)”. À partir d'une série de productions cinématographiques de fiction latino-américaines, elles se concentrent sur l'appropriation des géographies urbaines changeantes, résultant de la performativité des adolescents qui les habitent et qui les adaptent afin de trouver la faille qui leur permet d'accéder à la communauté mondialisée.

Dans “Identidades visuales de la Nueva Movida en el paisaje urbano desde la fotografía española. Changements générationnels et paradigmes qui construisent une vision de Madrid », Marcos García-Ergüín et Daniel de la Heras révèlent, à travers une photographie caractérisée par un regard jeune et intimiste, le nouvel espace urbain madrilène, à des années-lumière des espaces partagés de la Movida des années 1980 : un paysage individualiste investi par les éternels adolescents de la nouvelle Movida qui revendiquent en priorité leur singularité.

La section se termine par le travail d'Erika Triburcio, « ¡Gritos en la ciudad ! Modernización urbana, asesinato en serie y liberación femenina en el cine de terror durante el franquismo (1963-1975) », qui illustre comment les films d'horreur du franquisme tardif ont construit une représentation déformée de l'espace urbain en tant que terreau des vices qui sapaient les valeurs strictes du national-catholicisme, faisant du tueur en série le paradigme de cette monstruosité. Une lecture complémentaire de ce « monstre urbain » montre qu'il a également incarné l'insécurité des nouvelles générations face au durcissement de la répression d’État à la fin du régime.

La deuxième section, « Visions apocalyptiques et futuristes », rassemble quatre contributions qui se concentrent sur la représentation, tantôt utopique tantôt dystopique, d'un espace urbain post-apocalyptique. La ville de Mathias Haussman dans « Les communautés dans Valerian and the City of a Thousand Planets : des réflexions filmiques sur la vie urbaine de demain »  apparaît comme l'élément structurant de toute vision utopique de notre existence. S’appuyant sur la notion de "grotesque" comme critère d'analyse des typologies urbaines qui composent l'univers futuriste de Besson et sur son caractère profondément transgressif, l'auteur souligne la dimension transnationale du film.

Dans «La ciudad construida y filmada. Influencia de la arquitectura moderna en el imaginario distópico de Gattaca y Blade Runner 2049 », Belén Ramírez analyse l'influence des ensembles et des idéaux architecturaux modernes sur la représentation de l'espace urbain dystopique, et marque la différence entre l'espace réel comme cadre de la dystopie et la construction dystopique de la ville qui émerge de l'imaginaire du réalisateur.

Il ne fait aucun doute que l'urbanisme détermine largement la narration cinématographique, et que cette influence est particulièrement visible dans les films d'animation. C'est précisément ce qu'explique Pilar Yébenes dans son ouvrage « La influencia de la metrópolis futurista y la ciudad tecnologizada en el cine de animación japonés. Metropolis de Rintaro como escenario de poder narrativo frenético y fascinante » : la puissance de la ville post-apocalyptique qui, érigée en personnage principal de l'histoire filmique, définit les concepts esthétiques, thématiques et visuels dans l'œuvre de Rintaro.

« Tensiones apocalípticas en tres películas de Kurosawa Kiyoshi. Brotan los espectros de la ciudad moribunda », signé par José Manuel López, se penche sur la représentation décadente de Tokyo, ville spectrale à la dérive et au bord de l'effondrement, en soulignant le caractère immobiliste que le réalisateur Kiyoshi Kurosawa confère à la représentation de la capitale japonaise, lien entre modernité et contemporanéité.

Le troisième groupe de contributions, « Geopolíticas sonorizadas », rassemble trois écrits dans lesquels les sonorités urbaines occupent une place centrale dans la narration et constituent l'axe central de la représentation de la polis. Dans « De la sinfonía urbana al rudismo urbano. Ciudad-pantalla, ciudad-panóptico y ciudad-desterritorializada en El juego de la vida (GAC Group, 2007) », Miguel Alfonso Bouhaben propose une méthodologie de création conceptuelle pour aborder l'étude des processus représentatifs d'une symphonie urbaine contemporaine, El juego de la vida. A partir la notion de rythme et de ses multiples variations, aliénantes ou émancipatrices, l’auteur analyse comment la ville compose la cadence de l'existence urbaine.

« Diálogos entre imágenes y sonidos en el imaginario urbano. Ritmando Barcelona(s) », de Laura Grifol-Isely, dresse le portrait d'une ville plurielle et polyphonique à partir de productions de fiction, de documentaires et de clips vidéo, dans lesquels les sons participent à la construction du « multivers » urbain barcelonais, durablement installé dans l'imaginaire collectif.

Mario Adobati clôt cette section avec son travail sur les clips vidéo du groupe de français rap PNL. « “Le ‘nuage noir’ des Tarterêts: spatialité et historicité dans les clips vidéo de PNL » met en lumière la volonté du duo musical de faire mémoire à travers la poétique de rupture de ses productions instrumentales et visuelles, et sa détermination à représenter les espaces stigmatisés de la périphérie parisienne.

La section "Représentations socio-historiques de l'espace urbain" qui clôture le dossier réunit trois textes dans lesquels la démarche scientifique proposée est une historicité identitaire, caractéristique de la ville dans les productions audiovisuelles. Dans son essai «Representaciones del flâneur en el paisajismo urbano anglosajón (1980-2005)», Adrián Sánchez Martínez retrace les effets de la néo-architecture ségrégationniste urbaine sur la perception de l'individu errant dans les strates gentrifiés de la polis néolibérale.  La ville globalisée, que l'on découvre à travers une série d'œuvres paysagères de la fin du XXe siècle, dessine les contours du nouveau flâneur, aux antipodes de l'archétype baudelairien.

« La représentation urbaine dans le film Blue Jasmine (Woody Allen, 2013) » de Marta de Miguel Zamora plonge dans les méandres de l'espace narratif cinématographique, et en particulier de la narration urbaine, mettant en évidence par le biais d’un espace paysager fait d'asphalte le positionnement du cinéma comme art spatial.

Et nous terminons avec les réflexions d'Adolfo de Mingo Lorente dans « Le déclin communiste de Prague dans les architectures de la série télévisée The Sleepers (Ivan Zachariáš, HBO, 2019) », qui dévoile le visage de la Prague du déclin communiste de la fin des années 1980, à contre-pied de la représentation baroque de la ville qu’on nous propose habituellement au cinéma. La Prague dépersonnalisée de la série offre le visage d’une ville diversifiée où se côtoient des tendances architecturales multiples, de l'urbanisme rationaliste et fonctionnel à l'urbanisme étatique-socialiste, sans oublier la photographie historiciste de la capitale européenne, qui se réveille de son passé communiste.

En guise d'épilogue, nous invitons le lecteur à explorer les recoins du kaléidoscope des identités urbaines présentes dans l'univers "audio-logo-visuel", des représentations documentaires ou fictionnelles, utopiques ou dystopiques, présentes, passées ou simplement projetées qui, à partir de l'image et du son, façonnent la géopolitique urbaine contemporaine.

 

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[1] Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (2012) ; Université Paris-Sud (2014) ; HEC Paris (2016); IUT Dijon-Auxerre, Université de Bourgogne (2018).