Le centre commercial dans le cinéma d’Argentine et du Chili

 

The Shopping Centre in the Cinema of Argentina and Chile

 

Matei Chihaia

Universität Wuppertal, Alemania

chihaia@uni-wuppertal.de 

https://orcid.org/0000-0002-0678-2993

Résumé:

Trois films du dernier quart de siècle, Buenos Aires viceversa (1996), El abrazo partido (2004) et Ilusiones ópticas (2004) mettent en scène le centre commercial comme décor d’une fiction cinématographique. Leur mise en scène permet de tracer une ligne de partage entre une tradition de la galerie marchande d’origine européenne, espace essentiellement horizontal, caractérisé par le passage, et le shopping mall d’origine US, qui établit des relations verticales, concentrées dans le dispositif de l’escalator. En prenant appui sur des textes littéraires et des essais critiques d’Argentine, du Chili et de l’Uruguay, nous nous proposons de montrer comment ces films rapportent l’opposition entre horizontalité et verticalité, notamment dans la représentation de la société et de la mémoire historique. Au modèle de la galerie marchande, lieu d’une sociabilité multiculturelle qui favorise une recherche des origines, s’opposent alors les shopping malls, dont l’environnement globalisé et stratifié devient le lieu d’une mémoire en palimpseste, structuré par des effacements et des résurgences du passé.

Abstract:

Three films from the last twenty-five years, Buenos Aires viceversa (1996), El abrazo partido (2004), and Ilusiones ópticas (2004), use the shopping centre as the setting for a cinematic fiction. The ways they stage this place allows us to draw a dividing line between a tradition of the arcade of European origin, an essentially horizontal space, characterized by passage, and the shopping mall of US origin, which establishes vertical relations epitomized by the device of the escalator. Based on literary texts and critical essays from Argentina, Chile and Uruguay, we show how these films relate the opposition between horizontality and verticality to the representation of society and historical memory. The model of the shopping mall, a place of multicultural sociability that favors a search for one’s origins, looks indeed opposed to the shopping malls, whose globalized and stratified environment becomes the place of a palimpsest of memory, structured by erasures and resurgences of the past.

 

Mots-clés:

Galerie marchande; shopping mall; hétérotopie; palimpseste; mémoire; littérature et cinéma; cultural studies

 

Keywords:

Arcade; Shopping Mall; Heterotopia; Palimpsest; Historical Memory; Literature and Cinema; Cultural Studies.

 

El centro comercial en el cine de Argentina y Chile

 

Resumen:

Tres películas de los últimos veinticinco años, Buenos Aires viceversa (1996), El abrazo partido (2004) e Ilusiones ópticas (2004), utilizan el centro comercial como ambiente de una acción cinematográfica. Las formas en que representan este lugar permiten deslindar una tradición de la galería de origen europeo, un espacio esencialmente horizontal, caracterizado por el pasaje, y el centro comercial de origen estadounidense, que establece relaciones verticales, organizadas en torno al dispositivo de la escalera mecánica. Esta diferencia estructural es el resultado de políticas urbanas del siglo XX en el Cono Sur, adaptadas en un primer tiempo a la masificación del consumo nacional, y transformadas, en un segundo tiempo, conforme la globalización del mercado y los hábitos del consumo neoliberal.

Una selección de textos literarios y ensayos críticos conocidos de Argentina, Chile y Uruguay permite profundizar en la significación de estas formas arquitectónicas y las implicaciones culturales de los planes de urbanismo que las fomentan. A partir de este conjunto intertextual, mostramos cómo estas películas relacionan la oposición entre horizontalidad y verticalidad con la representación de la sociedad y la memoria histórica. De hecho, las tres películas manejan esta representación de manera especial, y difieren parcialmente de los modelos propuestos por los ensayos más conocidos. Coinciden en la crítica de los fundamentos neoliberales y los efectos del confinamiento sobre los individuos. Difieren en aspectos característicos. El abrazo partido insiste, por ejemplo, sobre los efectos de cohesión social propiciados por las galerías comerciales de tipo antiguo; este modelo de pasaje humilde, lugar de sociabilidad multicultural que favorece la búsqueda de los orígenes, parece efectivamente opuesto a los centros comerciales a los que se dedican casi exclusivamente los cultural studies. Luego, en contraposición a las teorías que destacan, el olvido, el entorno globalizado y estratificado del mall, se convierte, en Buenos Aires viceversa, en el lugar de un palimpsesto de la memoria, estructurado por tachaduras y resurgimientos del pasado. Ilusiones ópticas se contrapone a unas teorías que tienden a exagerar el papel de los dispositivos de control mediático al interior del mall, unos dispositivos que, al fin y al cabo, no cambian la condición social de las personas que los emplean.

De esta forma, el imaginario cinematográfico de la galería comercial aparece más diverso que las teorías propuestas para comprenderlo. No desarrolla simplemente las alegorías propuestas por la crítica, como la cápsula espacial o la cárcel, sino que insiste en sus propios temas típicamente fílmicos, como lo es la escalera mecánica (muchas veces empleada de forma irreverente) o las cámaras de vigilancia y el control de la mirada de los consumidores. Estos tópicos provienen de una tradición fílmica de la representación de los malls bastante heterogénea, entre películas de zombis y documentales críticos; a esta tradición, el cine reciente de Argentina y Chile aporta dos ejes de innovación artística compartida por las tres películas, la preocupación por la desigualdad social y la búsqueda de un espacio de memoria.

 

Palabras clave:

Galería comercial; Shopping Mall; heterotópico; palimpsesto; memoria histórica; literatura y cine; estudios culturales.

 

 

 

 

1. Introduction : l’hétérotopie et le palimpseste

Depuis les années 90, considérer les shopping centers comme une hétérotopie est devenu un lieu commun, notamment à partir de l’analyse que propose Jon Goss de ces "pseudo-lieux" (1993), ou de les traiter, avec les mots d’Edward Soja, de "heterotopologies", "compressed, packaged environments that seem to both abolish time and culture" (1995, p. 16). La référence à la fameuse conférence de Michel Foucault est fréquente, et elle explique la possibilité de juxtaposer des sites apparemment incompatibles dans un seul espace, un espace autre, qui n’est pas soumis aux exigences formelles et fonctionnelles des autres édifices (cf. Muzzio & Muzzio-Rentas, 2018). L’on souligne alors une certaine indifférence du shopping mall face à l’histoire. Celle-ci est bien contraire à l’interprétation de la galerie marchande, du passage commercial que propose Walter Benjamin, dans son Passagen-Werk. Le philosophe allemand insiste sur la superposition, en palimpseste, d’une tendance horizontale et d’une tendance verticale: "Umgekehrt läßt sich nun sagen, daß etwas Sakrales, ein Rest von Kirchenschiff dieser Warenreihe, die die Passage ist, bleibt. Sie steht funktional schon im Gebiet des Breitraums, architektonisch aber noch in dem der alten‚ Halle" (Benjamin, 1982, p. 222). Il ne s’agit pas, en réalité, de deux interprétations contraires de la même réalité géopolitique, mais de deux réalités différentes de la culture urbaine.

Ce sont les créations cinématographiques et littéraires récentes de l’Argentine et du Chili qui soulignent cette différence, tout en introduisant l’histoire dans l’espace apparemment capable d’abolir le temps et la culture. Ils aident ainsi à percevoir l’opposition structurelle entre les galeries marchandes d’origine européenne, dont parle Benjamin, justement, et les shopping malls créés aux États-Unis, dans la deuxième moitié du vingtième siècle. Dans le cinéma comme dans la littérature, les deux types de centres commerciaux reçoivent des caractéristiques contraires, et ils servent comme points de cristallisation de visions géopolitiques clairement différentes, l’une basée sur des structures horizontales et l’autre sur des structures verticales. Luis Cárcamo-Huechante propose ainsi une différenciation structurelle entre espace bidimensionnel et espace tridimensionnel qui correspond, me paraît-il, à une histoire des politiques urbaines. Le cinéma récent d’Argentine et du Chili nous permet de mieux comprendre les enjeux de cette verticalisation du centre commercial.

 

2. "Galería" vs "Mall"

2.1 Les formes architecturales et l’histoire politique de l’Argentine et du Chili

Le fondement méthodologique de cet article n’est pas très différent de celui de Walter Benjamin; tout comme il y a un siècle, on peut interpréter des structures architecturales comme l’expression d’une réalité sociale – sauf que cette lecture ne se fait plus comme dans le Passagen-Werk, à partir d’une observation directe des édifices, mais par le biais d’une lecture des représentations cinématographiques et littéraires contemporaines qui proposent une vision structurée de cet espace, et partagent un imaginaire polarisé: alors que la galerie marchande fonctionne selon un modèle horizontal, le passage qui relie des commerces hétéroclites étant l’expression architecturale d’une cohabitation multiculturelle "sur le même niveau", l’axe principal du mall, centre d’origine nord-américaine qui fleurit dans la deuxième moitié du 20ème siècle, est l’escalator, qui peut symboliser la verticalité, les différences d’une société stratifiée et le luxe: Beatriz Sarlo met son image sur la couverture de son livre Escenas de la vida posmoderna (1994), où elle propose une analyse du shopping souvent citée. Dans cet environnement globalisé, la multiculturalité de l’Amérique du Sud n’est plus une expérience vécue, mais l’objet d’une mise en scène utilitariste qu’Olaf Kaltmeier (2011) a baptisé "Mall-ticulturality". Comme le démontre cet auteur, ces formes architecturales sont liées directement à la politique d’urbanisme qui les rend possible et dont elles suivent les lignes de force.

La construction des centres commerciaux en Amérique du Sud est l’expression de volontés politiques différentes et elle reflète les tendances contraires qui déchirent la deuxième moitié du vingtième siècle. C’est dans la génération d’après-guerre, sous la présidence de Juan Domingo Perón, que les commerces se "massifient" (Podalsky, 2004, p. 127) et que de nombreuses galeries destinées aux classes moyennes sont créées: précisément en 1945 les Galerías Pacífico, puis dans l’espace de quinze ans cinq autres galeries, toutes conçues par le bureau d’architectes Aslan y Ezcurra, pour les nouveaux quartiers de buildings autour de la calle Florida, souvent garnies de fresques d’artistes contemporains (Podalsky, 2004, pp. 128-129) et expression de l’épanouissement de la culture nationale sous Perón. En revanche, au tournant des années 80 à 90, marqué par la politique du maire Carlos Grosso et la présidence de Menem, le développement urbain se concentre sur la création des quartiers de luxe suivant un modèle nord-américain: chaînes d’hôtels, le port plaisancier de Puerto Madero, pratiquement coupé du centre traditionnel de la ville, et les shopping malls, qui –à l’intérieur de la ville– font écho aux country clubs de la périphérie et aux domaines de villas de Belgrano, Barrio Norte, Vicente López and San Isidro (Prêvot-Schapira, 2002; Guano, 2002). Dans le paysage urbain, les politiques contraires se superposent, et les centres commerciaux deviennent un signe visible de ce palimpseste, avec une transformation des Galerías Pacífico en "Shopping Mall", qui se produit au tournant des années 1990 (Web Galerías).

Il faut dire que ce modèle de développement calqué sur les villes morcelées des États-Unis arrive encore plus tôt au Chili grâce à l’influence des "Chicago boys" sur la dictature de Pinochet. C’est ainsi que les premiers shopping malls se construisent à Santiago au début des années 80. Quant à l’Argentine, il faut signaler que la verticalisation des centres commerciaux commence bien avant l’arrivée du nouveau modèle architectural. Lors du tournage d’un film documentaire sur les Galerías Pacífico qui devait préparer leur transformation, l’équipe découvre un centre de torture sous les galeries marchandes : Naomi Klein a interprété cette configuration spatiale comme une allégorie du capitalisme néolibéral dont les commodités reluisantes cachent des soubassements de "guerre sale" (Klein, 2007, pp. 164-165). Je préfère insister sur trois éléments de cette anecdote qui me paraissent plus éclairants: premièrement, le fait que c’est le film qui apporte une révélation sur l’histoire, ce qui souligne l’importance du regard cinématographique sur le centre commercial, comme une forme d’analyse adaptée à ses structures (une idée mise en lumière par le documentaire de Harun Farocki, Die Schöpfer der Einkaufswelten (Los creadores de los mundos de consumo, 2001). Deuxièmement, l’usage dysfonctionnel de la structure originale des passages, destinés à accueillir une société diverse et horizontale; les tortionnaires de la dictature introduisent une dimension verticale et une sorte d’"enfer" dans cet espace créé dans un tout autre propos sous la présidence de Perón. Troisièmement, l’émergence d’un espace symbolique qui n’est ni celui de l’amnésie, ni celui d’un "mémorial" (comme écrit, à tort, Klein, 2007, p. 165), mais d’un palimpseste, dans lequel se superposent plusieurs mémoires.

2.2 Représentation cinématographique du centre commercial: du passage à l’escalator

On comprend mieux les enjeux de cette différence entre une structure horizontale et une structure verticale en regardant le cinéma récent, qui attribue des fonctions précises aux formes architecturales. Les galeries marchandes à l’ancienne, construites selon le modèle inventé au dix-neuvième siècle, servent à mettre en scène la relation de l’Amérique latine avec l’Europe ou le passé, avec l’immigration et l’image d’une ville multiculturelle. C’est ainsi qu’un film qui traite de la recherche d’identité d’un petit-fils de survivants de la Shoah, El abrazo partido (Daniel Burman, 2004), va trouver un décor dans un de ces passages commerciaux plus modestes. Le film commence par un monologue d’exposition du protagoniste qui explique ce qu’est une "galería": on le voit entrer dans celle où se trouve la mercerie de sa mère et la caméra suit son passage d’une boutique à l’autre en présentant les commerçants d’origines différentes, liés par des relations curieuses. Il y a, par exemple, des frères (ou cousins) qui vendent des tissus à la coupe: le tissu n’est pas seulement un indice du quartier de Buenos Aires où se déroule l’action –le Barrio del once, haut lieu du commerce textile– mais aussi une métaphore du tissu social qui relie les habitants du passage. La galerie marchande est un monde d’apparences, de subalternités croisées et de malentendus, mais aussi un voisinage lié par des relations qui traversent les origines et les générations et par la transmission de la mémoire historique multiple et fragmentée des immigrés. Cette multiculturalité a son histoire, elle est ancrée dans la relation étroite et tendue entre l’Argentine et les nouveaux arrivés, pour qui Buenos Aires est le premier espace d’accueil. En quelque sorte, la "galería" de Burman est la prolongation du "conventillo" représenté souvent dans la littérature du début du vingtième siècle, et elle respire cette tradition d’une modernité argentine en décalage avec le monde potentiellement ahistorique du commerce globalisé.

Pour mettre en relief la particularité de cette image de Buenos Aires, on peut comparer le film de Burman avec un récit de Julio Cortázar qui propose de penser la galerie commerçante comme une manifestation fantastique de la "non-simultanéité". Le protagoniste de El otro cielo se voit transporté d’une galerie de Buenos Aires, la Galería Güemes, en 1945, vers un passage parisien de l’an 1870 –tant cet édifice conserve une expérience de l’espace et de la forme qui appartient au dix-neuvième siècle–. Le film et le récit partagent la fascination benjaminienne pour la dimension initiatique du passage couvert (présente chez Burman par le personnage du rabbin et la proximité de la synagogue, chez Cortázar par l’idée du "ciel"). Mais Cortázar écrit ce récit lorsqu’il se trouve déjà à Paris, loin de l’urbanisme qui se développe dans la capitale Argentine dans la deuxième moitié du vingtième siècle. C’est à cette époque justement que la galerie marchande devient le repère d’une certaine vision sociale –celle associée à cet espace encore un demi-siècle plus tard, dans El abrazo partido–. L’écrivain du boom est indifférent à l’essor des centres commerciaux en Argentine et à leur importance pour une classe moyenne issue de la migration. La conclusion de "El otro cielo", dont le narrateur se moque de savoir si Perón ou Tamborini vont gagner l’élection présidentielle, paraît incongrue avec le développement réel des galeries marchandes à Buenos Aires, ville pour laquelle, comme nous avons vu, ce vote eut bien des conséquences.

L’effet de contraste est encore plus puissant lorsqu’on juxtapose ce film à un autre conte, "Deambulando por la orilla oscura (Basado en una historia real)" du chilien Alberto Fuguet, publié en 1990, une génération après le texte de Cortázar. Le réalisme annoncé dès le titre de manière provocatrice se manifeste dans le choix du décor qui est le Centro Comercial Apumanque, l’un des malls qui se caractérisent par leur verticalité. L’importance de la montée par l’escalator dans ce conte a déjà été soulignée par Virginia Caamaño et Luis Cárcamo Huechante:

Al subir las escaleras del Apumanque, "espacio espectacularizado" convertido en "...un laberinto de marcas, avisos publicitarios, escaleras mecánicas, puertas de cristal e imágenes cinemáticas, bajo la influencia de la droga" [Cárcamo-Huechante, 2007, p. 183, cita dentro de la cita], los anuncios de las diferentes tiendas le provocan rabia mientras reconoce algunos productos bien establecidos en el mercado mundial, para gentes que hayan alcanzado la plena ciudadanía adquisitiva por medio de sus tarjetas de crédito. (Caamaño, 2012, p. 75)

Le multiculturalisme des passages et galeries s’est transformé en un "mall-ticulturalisme" spectacularisé, adapté à l’industrie des marques mondialisées; dans la même mesure que le rapport de cet espace aux pays d’immigration, aux pays d’origine, est remplacé par le mimétisme avec le pays rêvé dont vient le concept du mall et avec l’American way of life. J’évoque le texte de Fuguet parce que le protagoniste perçoit le monde et le shopping mall explicitement comme une suite d’images cinématographiques, avec des allusions explicites à plusieurs représentations filmiques de la réalité urbaine marquée par la verticalité, comme Blade Runner (1982) de Ridley Scott: "La parte de atrás del centro comercial parecía sacado de Blade Runner, puro cemento, murallas altas, vidrio mojado. Silencio total. Ningún espectador, ningún amigo" (Fuguet, 2001, p. 113; cit. en Caamaño, 2012, p. 76).

On peut ajouter d’autres textes littéraires qui partagent cette vue sur le mall. Dans un croquis de Pedro Lemebel, "Socorro, me perdí en un mall (O, ¿tiene parche curita?)", le protagoniste cherche en vain un pansement sparadrap dans un centre commercial. Ce "labyrinthe d’illusions" lui donne l’impression d’avoir parcouru "Miami, Hollywood, Disneyland, Manhattan et Tokio" (2003, p. 210) en même temps, en seulement une heure –bien entendu sans avoir trouvé de sparadrap–. Cette verticalité ne caractérise pas seulement l’axe des relations entre le Cono Sur et l’Amérique du Nord, mais aussi une hiérarchie sociale. Les individus subalternes qui entrent dans le shopping mall sont finalement expulsés, ou plutôt dévorés: la verticalité est la cause de chutes vertigineuses. Le héros de Fuguet va se précipiter vers la mort, et le protagoniste de Lemebel vit une véritable descente aux enfers (Navarrete, 2017).

Ces représentations littéraires, tragiques ou comiques du "labyrinthe d’illusions" qu’est le mall peuvent être complétées par un film chilien. Ilusiones ópticas (Cristián Jiménez, 2009) raconte l’histoire d’un frère et d’une sœur qui vivent dans un quartier périphérique de maisons identiques à Valdivia, une ville au centre sud du Chili. Tandis que la sœur évolue exclusivement dans des espaces subalternes, aliénants –ce quartier étrange, donc, et une maison vétuste dans laquelle un groupe d’employés sont mis à l’écart ou en pré-licenciement par une société d’assurances–, le frère va pénétrer, pendant un moment, dans les espaces du luxe contemporain: le shopping mall Plaza de los Ríos où il sera embauché en tant que vigile et le barrio privado, le quartier bourgeois fermé, où habite une voleuse à l’étalage dont il tombe amoureux en l’observant par les caméras de surveillance. Encore une fois, le décalage social est représenté par la verticalité du centre commercial et les escalators, lieu d’activité principale du vigile censé empêcher les jeunes de l’employer à contre-sens. Mais l’histoire d’amour amorcée dans le parking souterrain du mall finit mal et le protagoniste achève sa quète dépouillé jusqu’au caleçon.

En effet, l’escalator comme emblème de la structure verticalisée et aliénante du shopping mall apparait déjà dans le cinéma US vers la fin des années 1970 avec Dawn of the Dead (Zombi, 1978) de George Romero (Eljaiek-Rodríguez, 2018, p. 42). Il est fondamental que dans ce film le mall soit fermé comme une forteresse pour résister au chaos du monde extérieur, et apparaisse même, selon l’expression de la protagoniste, comme une "prison" dont la fonction est cachée par les jolis emballages reluisants. En effet, si nous regardons Ilusiones ópticas, par exemple, il est clair que le centre commercial n’est qu’une prolongation des quartiers fermés des classes privilégiées, où le protagoniste du film va suivre l’une des clientes: espaces de surveillance et punition, espaces clos comparés à un zoo à cause de leurs grillages dans Zoológico (Rodrigo Marín, 2011) (cf. Page, 2017). Il faudra revenir sur cette comparaison, développée par la critique culturelle contemporaine. Le mall en tant que lieu de confinement contraste nettement avec l’image de la galerie marchande comme lieu de passage où l’on peut flâner en pleine liberté: la version populaire que nous voyons dans El abrazo partido se caractérise par l’ouverture sur les édifices du voisinage (la synagogue) ou d’autres centres commerciaux qui fonctionnent en vases communicants, soulignant ainsi la dimension associative et diverse de ces galeries. Il faut mettre entre parenthèses ce film, ainsi que la forme du centre commercial qu’il met en scène, pour aborder les analyses proposées par les études culturelles, visant presque toutes les formes plus récentes du shopping mall.

 

3. Critique culturelle du mall: les dispositifs verticaux

3.1 La fusée spatiale et la geôle

Les premières années du nouveau millénaire sont marquées par une théorisation et une analyse du phénomène "mall" dans différentes disciplines (par exemple, Underhill 2000; Wrigley & Lowe 2002), ainsi que dans un film documentaire de Farocki (2001), qui décortique la conception des nouveaux centres commerciaux. Tout concourt à souligner que ces édifices sont construits selon un calcul des comportements des consommatrices et consommateurs qui correspond à un véritable programme pour orienter leurs pas et leur regard. C’est cette forme de contrôle qui invite à une analyse critique et donne un sens spécifique à la comparaison avec l’illusion optique ou l’univers carcéral.

En Amérique du Sud, la critique du centre commercial est favorisée par une attitude sceptique face au modèle US de la société postmoderne. Inés Cornejo recense une dizaine d’essais théoriques autour de la nouvelle forme de consommation à l’intérieur d’un shopping mall, dont le plus connu –et presque le seul à être cité dans les analyses de film à côté des théoriciens français incontournables, Michel Foucault, Marc Augé et Jean Baudrillard– est sans doute celui de Beatriz Sarlo, publié en 1994. Sarlo observe le décalage historique par rapport aux différents pays d’Amérique latine: le mall Alto Palermo est créé en 1990 à Buenos Aires, à partir d’un marché couvert transformé, alors que l’Iguatemi São Paulo fonctionne depuis 1966 et le Mall Parque Arauco et le Apumanque Shopping de Santiago, décor du récit de Fuguet, depuis les années 1980. Il est regrettable que son essai ne cherche ni à établir les causes de ce développement urbain (qui après tout est le résultat d’une volonté politique), ni à observer le passé des galeries qui sont les ancêtres reniés des malls et qui ont engendré leurs cousins pauvres, les passages couverts comme celui que montre El abrazo partido. D’ailleurs, plusieurs shopping malls d’Argentine et d’Uruguay sont le résultat d’une conversion des galeries anciennes –comme dans le cas de la Galería Pacífico, transformée en Shopping Pacífico–. Elles contiennent ainsi une dimension historique et peuvent être lus comme un palimpseste: non pas un lieu d’oubli, comme l’affirme Sarlo, mais un lieu qui établit une stratification des mémoires et donc leur confère une forme spatiale précise (Achugar, 2004, p. 227; Guglielmucci & Scaraffuni Ribeiro, 2016, p. 142).

L’essai de Sarlo, perspicace à l’égard de la forme de contrôle imperceptible qu’exercent les malls sur leurs clients, les présente comme une bulle neutre d’espace, en principe ouvert aux habitants des quartiers pauvres disposés à consommer, à s’élever au rang de clients et à s’embarquer à bord de cette fusée. Mais l’envol cache les formes de surveillance qui rappellent les dispositifs de prison:

La cápsula espacial puede ser un paraíso o una pesadilla. El aire se limpia en el reciclaje de los acondicionadores; la temperatura es benigna; las luces son funcionales y no entran en el conflicto del claroscuro, que siempre puede resultar amenazador; otras amenazas son neutralizadas por los circuitos cerrados, que hacen fluir la información hacia el panóptico ocupado por el personal de vigilancia. Como en una nave espacial, es posible realizar todas las actividades reproductivas de la vida: se come, se bebe, se descansa, se consumen símbolos y mercancías según instrucciones no escritas pero absolutamente claras. Como en una nave espacial, se pierde con facilidad el sentido de la orientación: lo que se ve desde un punto es tan parecido a lo que se ve desde el opuesto que solo los expertos, muy conocedores de los pequeños detalles, o quienes se mueven con un mapa, son capaces de decir dónde están en cada momento. (Sarlo, 1994, p. 16)

Par rapport au texte de Lemebel, Juan Poblete a rappelé que la neutralité et la propreté de cette bulle expriment aussi tout un programme social, et que la pédagogie de la consommation inclut aussi des codes de comportement et des codes vestimentaires imposés par des vigiles qui font le tri entre clients potentiels et délinquants potentiels (Sepúlveda, 2013, p. 17). Le tri stratifié, c’est aussi l’essentiel de la formation reçue par le protagoniste de Ilusiones ópticas au début de son service et la leçon amère qu’il doit tirer à la fin du film: un membre de la bourgeoisie ne pourra jamais être vu comme une voleuse à l’étalage –tandis que le vigile qui l’accuse peut perdre son poste–.

Alors que Sarlo pointe en 1994 l’ambigüité de la capsule du centre commercial, Hugo Achugar exagère, une dizaine d’années plus tard, son côté dystopique, en trouvant une image visuelle puissante non pas dans le vaisseau spatial cité par Sarlo, mais dans l’univers carcéral prémoderne de Giambattista Piranesi.

Los miles de individuos que, especialmente, los fines de semana suben y bajan por esos involuntarios espacios piranesianos que constituyen el Punta Carretas Shopping con sus interminables escaleras perdiéndose en un simulacro mecánico del infinito son similares a los personajes que desbordan el segundo grabado de las Carceri. Son similares, pues esos miles de individuos que transitan por los corredores de los atrios iluminados con una potencia extrema con las manos en los bolsillos, observando los mirajes de una suerte de cornucopia contemporánea que sin embargo no pueden consumir, son la forma contemporánea de la opresión. Son prisioneros de otra forma. No están encerrados pero están excluidos. Son ciudadanos del Estado pero están privados de la ciudadanía en esta mini ciudad o mini estado que es el Shopping (Canclini, 1992). También están los otros, los que sí consumen. A todos el Punta Carretas Shopping les impone una forma del olvido, o mejor una forma del deseo imposible. Una memoria de la ausencia que sustituye otras memorias, la satisfacción de otros deseos. (Achúgar, 1994, p. 227)

Contradictoires par leur vision utopique ou dystopique, Sarlo et Achugar se rejoignent par l’investissement imaginaire de la verticalité –le vaisseau spatial ou les geôles de Piranesi– et par leur insistance sur l’amnésie provoquée par l’architecture du shopping mall. Cet effacement du contexte historique parait particulièrement poignant dans le cas du centre analysé par Achugar à Montevideo, Punta Carretas, qui est une ancienne prison transformée, lieu de réclusion et de torture des opposants de la dictature uruguayenne. Toutefois, des recherches plus rapprochées d’anthropologie urbaine ont tendance à montrer que ce centre commercial sert, au contraire, de repère à une mémoire urbaine; il faudrait donc entendre l’allégorie du palimpseste non pas comme l’expression d’un effacement de l’histoire, mais tout simplement comme l’établissement d’une structure verticale de la mémoire, permettant des "résurgences" du passé (Guglielmucci & Scaraffuni Ribeiro, 2016, p. 142).

L’on peut confronter les deux analyses aux mises en scène cinématographiques contemporaines qui soulignent aussi bien la dimension de bulle –à travers la bande sonore– que de prison –à travers des pratiques de surveillance et de punition–. Contrairement à la tendance amnésique que leur attribuent les essayistes, les cinéastes font des centres commerciaux le lieu d’une "résurgence" du passé historique (Gundermann, 2009). La verticalité est alors non seulement la projection d’une stratification sociale, mais aussi l’allégorie d’une mémoire urbaine en palimpseste.

3.2 L’escalator, le sous-sol et la caméra de surveillance

On trouve dans les deux films l’imaginaire de la bulle, de la capsule sensorielle liée au mall. Chez Agresti, ce sont les casques qui isolent la protagoniste et lui cachent le tir mortel du vigile qui abat son ami. Cette musique n’est toutefois pas l’expression d’une amnésie, tout au contraire: elle lui permet de se connecter avec ses parents, disparus pendant la dernière dictature. C’est donc un moment proustien, une "petite phrase de Vinteuil" qui permet temporairement de combler le vide traumatique. Le morceau qui rétablit le souvenir des parents, Orphée et Eurydice de Gluck, n’est pas choisi au hasard; il donne aussi une dimension mythologique à la disparition et à la recherche des disparus et à la revendication d’un travail de mémoire, d’une "réponse de la société", par les jeunes, les filles et fils des victimes, auxquels est dédié le film. La remontée des enfers à l’aide des écouteurs est accompagnée, de manière ludique, par l’image du jeune ami de la protagoniste, qui se laisse emporter vers le haut allongé sur la rambarde de l’escalator, ayant l’air de voler. C’est ainsi qu’Agresti transforme la prétendue bulle en lieu de souvenir; même si cette bulle est percée par le tir du vigile, le spectateur retiendra le potentiel de l’enseigne multimédia qui transporte la protagoniste vers un passé où ses parents sont encore vivants. Buenos Aires viceversa rejoint, par l’imaginaire du voyage dans le temps, "El otro cielo". Mais cet imaginaire reçoit une forme spatiale précise, celle de la descente et remontée des enfers: les deux prennent appui sur la technologie moderne, caractéristique du mall.

Comme chez Achugar, les films suggèrent une forme de continuité entre le régime autoritaire et la verticalité des malls. Buenos Aires viceversa dénonce clairement le recyclage des tortionnaires de la dictature en agents de sécurité et la prolongation des crimes contre l’humanité commis sous le régime dictatorial par des faits de "gatillo fácil", gachette facile, en temps de post-dictature (Dufays, 2011, p. 621). Ilusiones ópticas est plus discrète à l’égard du passé historique, même si l’on trouve une scène qui établit une équivalence entre le mall et l’univers carcéral. Dans la séquence du déshabillage du vigile licencié, l’espace en ciment nu et l’homme dénudé évoquent une scène de prison, alors que le brouhaha silencieux de la bande sonore rappelle que nous nous trouvons dans les coulisses du mall. Jiménez cherche donc à pointer du doigt les continuités non seulement personnelles mais aussi les pratiques de surveillance et punition qui forment les coulisses des centres commerciaux; mais il ne cherche pas à établir le lien avec le passé dictatorial du Chili. De la même manière, le parking souterrain d’Ilusiones ópticas est un espace de transgression, mais il est loin d’évoquer les liens pointés par Naomi Klein (2007, pp. 164-165) entre l’édification des shopping malls reluisants et les centres de torture qui peuvent se cacher dans leurs sous-sols, formant ainsi un soubassement historique du néolibéralisme.

Comme dans l’analyse de Sarlo, les deux films présentent des systèmes de surveillance comme prolongement du contrôle commercial du regard, qui contribue au contrôle du corps entier. Sophie Dufays a déjà proposé une analyse approfondie de Buenos Aires viceversa qui reprend l’analyse de Sarlo et la croise avec les idées de supermodernité et d’hétérotopie:

la fragmentación o la anulación del sentido de la historia, de la identidad y de las relaciones en la ciudad (…) como el resultado de una maniobra mediática que afecta la vision de los ciudadanos: los condena a la ceguera, a la alienación, a la indiferencia o al miedo de ver. (Dufays, 2011, p. 621)

Cette problématique se doit aussi à la verticalité du regard instauré par les systèmes de contrôle du mall. Dans des mises en abyme, le cinéma présente la caméra et les écrans comme modèles de domination, mais aussi comme des pièges pour les personnes issues des classes populaires qui ne savent pas s’en servir. De manière très subtile, la fiction d’Agresti avec sa caméra "libérée", partagée entre une jeune femme et un enfant des banlieues, se moque des caméras de surveillance et du style de reportage télévisé, qui impose un point de vue: "Las superficies turbulentas de Agresti cuestionan la responsividad de la imagen audiovisual dentro del espacio intermedio entre el pasado de la dictadura y el presente de una sociedad amnésica" (Chappuzeau, 2017, p. 346). Le point culminant de la prise de pouvoir est le vol d’une caméra, dans un centre commercial, par l’enfant qui aspire ainsi à devenir sujet du regard (Dufays, 2011, p. 629). Le vol est puni par un vigile, dont le public connaît sa connexion avec le régime dictatorial, et qui l’abat d’un tir suivant le trajet des caméras de surveillance, de haut en bas. Chez Jiménez, le protagoniste, lui aussi issu des banlieues, arrive également à prendre le pouvoir sur la caméra –les écrans de surveillance étant le dispositif par lequel il exerce son autorité d’agent de sécurité assistant–. Or, il se fait tromper par une cliente qui sait masquer son propre regard sous des lunettes de soleil et qui se soustrait ainsi au contrôle des caméras. Pour résumer, les deux films mettent en scène un jeu avec les dispositifs de surveillance filmiques du mall, dans une mise en abyme assez pessimiste de la mise en scène cinématographique. Ce n’est pas le fait de posséder une caméra ou de multiplier son regard par les caméras de surveillance qui confère un pouvoir sur l’espace: celui-ci reste dans les mains des personnes qui ont une arme ou un pouvoir d’achat supérieur.

Ainsi, le cinéma récent réussit à décortiquer l’espace du centre commercial et paraît particulièrement capable de donner un sens à la verticale structurelle du shopping mall, en y décelant notamment une forme de mémoire en palimpseste. Toutefois, il est loin de présenter ces découvertes avec l’assurance qu’ont les études culturelles. Le travail de la caméra indépendante, la mise en scène cinématographique, établissent un contraste avec le contrôle du regard pratiqué à l’intérieur des centres commerciaux mondialisés. C’est ainsi que le cinéma récent d’Argentine et du Chili permet de reconstruire une réalité géopolitique urbaine: la non-simultaneité des passages couverts et des shopping malls[1].

 

Referencias bibliográficas

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[1] Je tiens à remercier Valérie Fliether-Gaubert pour la relecture de cet article.