Du bricolage chez Picasso ?

Étude matérielle et technique de trois carnets de l’époque cubiste

¿BRICOLAJE EN PICASSO?

ESTUDIO MATERIAL Y TÉCNICO DE TRES CUADERNOS DE LA ÉPOCA CUBISTA

 

Claire Le Thomas (Chercheure indépendante)

clairelethomas@free.fr

 

Coralie Barbe (Conservatrice - restauratrice de livres et documents graphiques)

cbarbe@ateliercoraliebarbe.fr

 

Emmanuelle Hincelin (Conservatrice - restauratrice d´œuvres sur papier)

ehincelin@yahoo.fr

 

 

Recibido: 15 de junio de 2023 / Aceptado: 22 de septiembre de 2023


Résumé : Cet article effectue une analyse matérielle et technique de trois carnets insolites de Picasso datant de l’époque cubiste : MP 1859 de l’hiver 1906-1907, MP 1862 de mai-juin 1907, et MP 1990-98 de 1915. Ces trois carnets, conservés au musée national Picasso de Paris, semblent en effet avoir été réalisés à la main par un amateur, peut-être même par Picasso lui-même. Il s’agit ainsi, grâce à l’expertise de deux conservatrices-restauratrices, de déterminer les procédés de fabrication de ces carnets pour les replacer dans le corpus plus général des carnets de Picasso et la matérialité de ces objets de travail. Cette étude s’attache ainsi à démontrer l’importance de l’histoire matérielle et technique en histoire de l’art, tant pour comprendre les œuvres que pour les inscrire dans leur contexte historique de fabrication marqué par les pratiques créatives ordinaires. En effet, le dernier tiers du XIXe siècle voit se développer de multiples loisirs créatifs amateurs qui ont laissé leur empreinte sur le cubisme, l’invention des papiers collés et des constructions

Mots-clefs : Amateur, Carnet, Histoire matérielle et technique, Matérialité, Picasso

Resumen: Este artículo efectúa un análisis material y técnico de tres cuadernos insólitos de Picasso que datan de la época cubista: MP 1859 del invierno 1906-1907, MP 1862 de mayo-junio de 1907 y MP 1990-98 de 1915. Estos tres cuadernos, conservados en el museo nacional Picasso de París parecen, en efecto, haber sido realizados a mano por un aficionado, puede ser incluso que por Picasso mismo. Se trata, así, gracias al peritaje de dos conservadoras-restauradoras, de determinar los procesos de fabricación de estos cuadernos para volver a situarlos en el corpus general de los cuadernos de Picasso, y la materialidad de estos objetos de trabajo. Este estudio se esfuerza así por demostrar la importancia de la historia material y técnica en la historia del arte, tanto para comprender las obras como para inscribirlas en su contexto histórico de fabricación, marcado por las prácticas creativas corrientes. En efecto, el último tercio del siglo XIX vio desarrollarse múltiples hobbies creativos de aficionados que han dejado una huella sobre el cubismo, la invención de los papiers collés y de las construcciones.

Palabras clave: Aficionado, Cuaderno, Historia material y técnica, Materialidad, Picasso

Cómo citar este artículo:

Le Thomas, C., Barbe, C., Hincelin, E. (2023). Du bricolage chez Picasso? Étude matérielle et technique de trois carnets de l’époque cubiste. Revista Eviterna, (14), 126-145

 https://doi.org/10.24310/re.14.2023.17008

 

1. Trois carnets insolites

Picasso a rempli, au cours de sa longue carrière artistique, d’innombrables carnets dont beaucoup furent conservés par l’artiste jusqu’à sa mort, preuve de son attachement à ces objets. Remplis de dessins, croquis pris sur le vif ou esquisses, ébauches et travaux préparatoires aux œuvres en train de se faire, ils dévoilent les coulisses du travail artistique, les étapes du processus de génération d’une œuvre particulière ou plus largement les mécanismes de la création picassienne. Outre cet accès à la génétique de l’œuvre, les carnets de Picasso donnent à voir son intimité et sa vie quotidienne. Brouillon de lettre, manuscrits littéraires, adresses, listes de courses émaillent les pages des carnets qui servaient également de pense-bête. À cette diversité d’emploi répond la diversité matérielle des carnets : Picasso s’est servi d’une multitude de supports différents de qualité et de prix variables. Il utilise bien sûr des albums à dessin, plus ou moins luxueux, destinés aux artistes et aux amateurs pour les croquis, esquisses et travaux sur le vif, mais se sert également de calepins voire même de cahiers de réemploi –registre comptable, carnet publicitaire­–.

Parmi ces carnets, trois se détachent par leurs caractéristiques matérielles et techniques. Possédés par le Musée national Picasso, Paris et datés de l’époque cubiste, le carnet MP1859 de l’hiver 1906-1907, le carnet MP1862 de mai-juin 1907 et le carnet MP1990-98 de 1915[1] sont recouverts de tissus chamarrés [Fig 1]. Ils détonnent ainsi tant par leur apparence bariolée –des motifs très colorés qui évoquent pour deux d’entre eux des tissus non occidentaux– que par leur facture grossière. Les étoffes ne sont pas collées droit fil, des traces de colle sont visibles. Une telle exécution sommaire interroge : la couverture de ces carnets ne semble pas avoir été fabriquée industriellement mais manuellement par un amateur.

 

Fig. 1: Pablo Ruiz Picasso. Carnets. Musée national Picasso, Paris: 1a. MP1859, hiver 1906-1907, 14,7 x 10,6 x 1,5 cm.; 1b. MP1862, mai-juin 1907, 15 x 12 x 0,9 cm.; 3c. MP1990-98, 1915, 17,5 x 14,5 x 1,1 cm. ©️ Sucesión Pablo Picasso, VEGAP, Madrid, 2023

            Picasso aurait-il personnalisé ces objets, comme il l’a fait pour d’autres de ses carnets? Ce dernier a en effet orné de dessins la couverture de plusieurs autres carnets de la même époque (1906-1907). Il agrémente les plats de motifs géométriques et d’aplats colorés qui viennent souligner l’illustration originelle[2]; il appose son nom et son adresse sur le carnet MP1860 –Je suis le cahier–. Toutefois, l’acte d’appropriation –coller un tissu– est ici autrement plus inhabituel dans la mesure où il s’éloigne des gestes et des matériaux couramment employés dans le travail artistique. Plus intrigante encore, la brève description de ces trois objets dans le catalogue des carnets mentionne que les feuillets ont été «démontés puis recousus, sans doute par Picasso lui-même» (Léal, 1996). Il ne s’agirait donc pas de produits marchands, achetés comme les autres dans une boutique, mais d’objets fabriqués main, peut-être par l’artiste.

2. La matérialité des carnets, une histoire en cours d’écriture

Pourquoi s’intéresser à la matérialité de ces carnets? Dans quelle mesure déterminer leur type de fabrication permet-il d’enrichir la compréhension de l’œuvre picassienne? Jusqu’à présent, les recherches sur les carnets se sont en effet focalisées sur leur contenu (Daix 1988 ; Léal 1996; Léal 2005; Rosemblum 1986). L’examen des dessins et autres travaux préparatoires ont largement contribué, d’une part, à comprendre la genèse de certaines œuvres et affiner les étapes de leur création. Les carnets des Demoiselles, en particulier, ont été analysés de manière extrêmement approfondie par les grands spécialistes du cubisme en raison de l’importance de cette toile pour l’histoire de l’art du XXe siècle (Daix 1986; Rosemblum, 1986; Rubin 1991). L’étude des inscriptions –adresses, noms, listes…–, d’autre part, a servi à l’élaboration de données biographiques et de chronologies fines (Rubin 1990; Seckel 1986) qui replacent Picasso au cœur de sociabilités amicales et professionnelles, précisent ses conditions de vie matérielles et financières, sa maîtrise du français… Toutefois, non seulement, les recherches récentes sur le sujet sont assez rares, mais aucune ne s’est réellement penchée sur la matérialité de ces objets.

            Pourtant, en tant que produits commerciaux, les carnets s’insèrent à l’intérieur d‘une histoire matérielle des fournitures artistiques disponibles dont l’importance pour l’histoire de l’art est primordiale –comme en témoigne l’exemple des couleurs en tube qui ont favorisé l’essor du pleinairisme–. L’histoire de l’art s’attache d’ailleurs de plus en plus à l’étude matérielle des objets artistiques. Favorisées et développées par certains corps de métiers tels que les codicologues, les conservateurs-restaurateurs et les scientifiques de la conservation, l’observation et l’analyse des matériaux constitutifs des œuvres sont des éléments fondamentaux pour déterminer la datation, l’attribution ou la provenance des artefacts tels le travail remarquable sur les carnets et les papiers employés par Turner (Bower, 1990). Elles éclairent également les processus créatifs, à l’instar de l’interaction entre le support papier et le dessin chez Picasso en mettant en lumière son amour et sa connaissance fine de ce matériau par le biais de l’étude des papiers et de leurs filigranes (Ténèze, Enshaïan & Hincelin, 2009). Examiner les caractéristiques matérielles et techniques des carnets, albums et autres travaux préparatoires, c’est enfin ouvrir sur l’économie de la pratique artistique à l’instar du rôle du papier comme matériau actif dans les manuscrits de travail. L’analyse de documents de travail de Rousseau et Lavoisier, par exemple, identifie la nature des papiers à écrire courants, les préférences de ces deux savants des Lumières en termes de qualité et de provenance mais aussi les choix des formats utilisés selon l’étape du travail –brouillons, copies de lecture, mise au net, rapports…– (Bustarret, 2016). Le carnet peut permettre une prise de notes directe, ou être le support de travail d’ajustements en atelier. Certains artistes lient quelques feuillets entre eux et exploitent la quasi-totalité de leur surface pour des raisons économiques, quand d’autres partent en voyage avec de somptueux carnets reliés en plein cuir.

Connaître précisément les techniques et les matériaux employés pour la fabrication des trois carnets présentés dans cet article n’est donc pas superflu. Les deux premiers
–MP1859 et MP1862– datent de 1906-1907, période pendant laquelle Picasso vit au Bateau-Lavoir; le troisième –MP1990-98– de 1915, pendant la Première Guerre mondiale. Ils coïncident ainsi avec des moments de difficultés budgétaires et de restriction qui pourraient expliquer la nécessité de fabriquer soi-même des carnets de croquis, corroborant les nombreux exemples déjà connus de réemploi et de détournement de matériaux en temps de privation évoqués par Jaime Sabartès, Fernande Olivier ou Brassaï (Brassaï 1997; Olivier 2001; Sabartès 1996). À l’époque du Bateau-Lavoir, Picasso peint parfois sur ses propres œuvres pour économiser la toile[3]
et il lui arrive d’être obligé de se passer de blanc en raison du prix de cette couleur (Olivier 1933, pp. 52, 83-84). «Aux premiers mois de 1940, quand il se rend compte que les pinceaux commencent à manquer chez les marchands, il se met en tête de fabriquer les siens, à tout hasard…» (Sabartés, 1946, p. 54).

Plus largement, et de plus grandes conséquences pour l’analyse des œuvres, ces carnets correspondent à la période cubiste, une période pendant laquelle Picasso et Braque s’intéressent à des œuvres étrangères aux Beaux-arts, tant pour leurs techniques que pour leurs matériaux. Arts non occidentaux, arts populaires mais aussi objets du quotidien retiennent leur attention et les accompagnent dans leur réflexion plastique. L’élaboration des papiers collés et des constructions, notamment, est soutenue par des pratiques ordinaires de création qui les environnent à l’époque: depuis le dernier tiers du XIXe siècle, de nouvelles occupations du temps libre se développent et banalisent l’utilisation de la colle et des ciseaux, l’assemblage d’éléments tout faits pour fabriquer manuellement, le plus souvent à partir de matériaux courants et de récupération, des objets quotidiens et de décoration (Le Thomas, 2016). Ces carnets pourraient donc s’inscrire parmi ces occupations manuelles créatives ayant participé à la mise au point du collage et de l’assemblage.

3. Papier, tissu, ficelle, colle: résultats de l’étude matérielle et technique

Carnet, calepin, album, cahier, bloc-notes sont les appellations les plus fréquentes pour décrire les supports reliés sur lesquels a dessiné Picasso. Ils servent tous à noter et collecter des données. Il s’agit d’un ensemble formé par plusieurs feuilles de papier pliées, réunies par couture, et muni d’une couverture. Le choix du vocabulaire technique et la rigueur de description des caractéristiques doivent permettre une analyse matérielle plus fine et d’interroger la relation entre matérialité et processus de création. Or ces termes sont souvent employés sans distinction dans la littérature. Si leurs aspects peuvent être similaires, en cela qu’ils sont tous constitués de feuillets vierges, leur fonction diffère.

Notons que le terme ‘album’ se retrouve sur plusieurs couvertures des carnets de Picasso –par exemple, MP1990-103 ou MP1875– et il est également utilisé dans les catalogues commerciaux de l’époque pour désigner des ‘albums à dessin’ [Fig. 24]. À nos yeux, l’album tient néanmoins une place à part. L’album, du latin albus ­–blanc– signifie cahier ou classeur destiné à recevoir des éléments externes tels que photographies, timbres, dessins, estampes, échantillons textiles, espèces végétales, etc. Il répond ainsi à une intention éditoriale consistant à rassembler des éléments d’une typologie proche. Or, l’accueil de ces éléments divers au sein d’un même ouvrage pourrait nuire à la bonne fermeture du volume, si ce dernier n’était pas pensé en conséquence. Pour pallier cette difficulté, le relieur ajoute des onglets de compensation, de manière à ce que la reliure accueille ces documents sans que cela ne créée de surépaisseur. C’est alors la présence et le nombre d’images ou la conception unitaire et pensée dans sa globalité qui détermine l’usage du terme album. En revanche, les carnets, cahiers, bloc-notes, en général de format inférieur à l’album et facilement transportables, sont constitués d’un ensemble de feuillets vierges destinés à être le support de la pensée ou de prise de notes immédiate. Dans ce type d’objets, il n’y a en général pas d’intention éditoriale, il s’agit davantage d’un aide-mémoire, auquel l’artiste ou l’écrivain se référera par la suite dans l’élaboration de son œuvre finale. C’est donc cette seconde définition qui caractérise le mieux les carnets de Picasso et que nous retiendrons dans la suite de l’article.

3.1 Des carnets bricolés par un amateur

Cet ensemble de trois carnets peut être sous-divisé en deux sous-ensembles. Le premier regroupe les carnets MP1859 et MP1862, qui prennent la forme d’emboîtages, alors que le carnet MP1990-98 s’apparente davantage à un bloc-notes.

Une image contenant croquis, dessin, art, Dessin d’enfant

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Fig. 2: 2a. Schéma de la constitution du carnet MP1859 : le cahier de 23 bifeuillets (en bleu) est cousu sur une bande de toile (en ocre). Celle-ci est ensuite collée sur les deux plats de carton de réemploi, sommairement découpés (ici en gris). 2b. Vue de la couture sur 6 points avec un gros fil de chanvre du cahier unique du carnet MP1859. 2c. Schéma de la constitution du carnet MP1862 : les trois cahiers (en bleu) sont cousus chacun par 7 à 8 points sur une bande de toile de coton (en blanc). Celle-ci est ensuite collée sur les deux plats de carton (ici en gris) déjà habillés de textiles. 2d. Entre deux cahiers, vue de la couture sur une toile blanche du carnet MP1862. ©️ Sucesión Pablo Picasso, VEGAP, Madrid, 2023

Dans la technique de l’emboîtage, le corps d’ouvrage[4] et la couverture qui le protège sont conçus indépendamment l’un de l’autre. Les différents feuillets constituant le corps d’ouvrage sont pliés sous la forme de cahiers, qui sont ensuite maintenus par couture. Le MP1859 est ainsi constitué d’un seul cahier de 23 bifeuillets encartés[5] [Fig. 2a], alors que le MP1862 en compte 3 (le premier constitué de 5 bifeuillets, et les deux suivants de 10 bifeuillets chacun [Fig. 2c]. Les dimensions des corps d’ouvrage sont variables (en moyenne : 13,5 x 10,5 cm), du fait du manque de régularité des cahiers et des coutures faites à la main. Le papier employé pour les cahiers de ces deux carnets est identique : il s’agit d’un papier vergé, de couleur beige, probablement fabriqué sur forme ronde[6] et plutôt destiné à l’écriture. Une moitié de filigrane est visible en queue et fond de plusieurs feuillets : par recoupement, on identifie un motif de femme ailée avec trompette, représentant la Renommée[7] [Fig. 3]. L’un et l’autre de ces carnets ont été assemblés par de simples coutures de brochure[8], sur des points répartis relativement équitablement le long du pli[9]. La couture du MP1862 a été réalisée au travers d’une toile de coton blanche dénommée apprêture[10] [Figs. 2c-2d]. La toile de lin visible sur le MP1859 a quant à elle été fixée par une seconde couture, probablement réalisée sur quatre points à l’aide d’un fil de nature indéterminée [Fig. 2a]. Ces toiles ont été assemblées au corps d’ouvrage afin de participer ensuite à l’attache des plats de carton réalisée par leur collage [Fig 2].

Fig. 3 : Morceau de filigrane de la Renommée observé sur les carnets MP1859 et MP1862 ©️ Sucesión Pablo Picasso, VEGAP, Madrid, 2023

Pour le MP1859, des cartons provenant d’un carnet ou d’un registre ont été réemployés [Figs. 2a et 4a]. En effet, on observe, sous les actuels matériaux de couvrure[11], les remplis d’un papier noir gaufré imitant un grain de chèvre, matériau courant depuis l’ère industrielle. La toile d’apprêture, restée libre de part et d’autre des feuillets, a d’abord été collée et appliquée à l’intérieur des cartons de réemploi hâtivement découpés pour permettre leur assemblage. Une seconde toile de nature identique a ensuite été appliquée pour recouvrir une partie des plats [Fig. 4c]. Cette opération a été complétée par la pose d’un textile façonné à armure complexe[12], à motifs de cachemires provenant d’Inde ou d’inspiration indienne. On note que le collage de ce tissu présente un manque de maîtrise dans la mise en œuvre : le tissu n’est pas droit-fil au niveau de la lisière et de larges traces de colle[13] sont visibles au niveau du dos en toile [Fig. 4d]. Enfin, les premier et dernier feuillets du cahier unique ont été, à l’instar de la toile, appliqués par collage. Outre la présence sous-jacente du papier gaufré à motif de grain de chèvre, la supposition que les cartons proviennent d’un réemploi est appuyée par les fortes aspérités perceptibles sous les feuillets contrecollés, également dénommés contre-gardes, aspérités dont l’origine est probablement à imputer à l’arrachage des précédents matériaux [Fig. 4b].

Fig. 4: 4a. Carnet MP1859, en tête: vue des cartons de réemploi dont on voit l’âme grise et l’habillage en papier noir gaufré imitation grain de chèvre. 4b: En lumière rasante, vue de la contre-garde collée irrégulièrement et à la surface de laquelle les irrégularités du carton sous-jacentes transparaissent. 4c: Carnet MP1859, en queue : la ligne verte souligne la pièce de toile sur laquelle est cousu le cahier avant d’être collée aux plats en carton. La ligne rouge indique la pièce de toile utilisée comme dos à l’extérieur des plats en carton. 4d: Détail des collages maladroits en tête du carnet MP1859 : larges traces de colle sur la toile beige, le carton sous-jacent est visible, la lisière du tissu à motifs de cachemire est très déformée ©️ Sucesión Pablo Picasso, VEGAP, Madrid, 2023

Le MP1862 a, quant à lui, été réalisé selon un principe d’emboîtage plus rigoureux et présente donc un aspect plus soigné [Fig. 5]. Bien que la découpe des plats reste hasardeuse, ces derniers ne semblent pas provenir d’un réemploi et sont parfaitement recouverts par les textiles employés, qui ont été disposés de manière plus régulière et sans tache de colle. Ici sont utilisés deux types de tissus à armure toile qui semblent venir d’Asie, composés de motifs floraux et géométriques de type block-prints[14].

 

Fig. 5: 5a. Plat inférieur du carnet MP1862 dont le dos est couvert d’un tissu rouge et bleu et les plats recouverts d’un tissu noir et marron. 5b : Vue de la contre-garde du plat inférieur. Les remplis de toile sont relativement réguliers ; les contre-gardes présentent quelques défauts de collage ©️ Sucesión Pablo Picasso, VEGAP, Madrid, 2023

Le troisième carnet MP1990-98 présente une structure différente, qui s’apparente davantage à celle d’un bloc-notes[15]. Il ne présente pas d’organisation en cahier, mais est constitué par une suite de 12 feuillets simples assemblés par piqûre à cheval sur un support cartonné [Fig. 6a]. Bien que l’assemblage ne soit pas visible car recouvert d’un papier bleu, il semble qu’il ait été réalisé à l’aide d’un fil selon huit points[16]. Le papier des douze feuillets est un papier à dessin vélin à grain fin. Les deux fragments observés de molette[17] [Fig. 6c] permettent de déduire qu’il s’agit d’un papier fabriqué sur machine de l’ancienne manufacture Canson & Montgolfier – Vidalon-les-Annonay. Le fait d’identifier la molette dans deux sens perpendiculaires tend à confirmer que la constitution du corps d’ouvrage ne s’est pas faite en pliant une ou plusieurs grandes feuilles de papier mais en empilant de manière très anarchique des feuillets simples.

Fig. 6: 6a. Schéma de la constitution du carnet MP1990-98 : l’ensemble de 12 feuillets (en bleu) est assemblé par piqûre à cheval ou assemblage transversal à un support en carton paille (en ocre). 6b: Vue de la zone d’assemblage des feuillets recouverte d’un papier bleu. 6c : En lumière rasante, vue de la molette observée sur le feuillet 5 du carnet MP1990-98. 6d : Détail des différents matériaux constitutifs du carnet : sous le tissu, on aperçoit le carton paille de couleur ocre. On constate également la disposition irrégulière des feuillets sous la bande de papier bleu qui cache le système d’assemblage ©️ Sucesión Pablo Picasso, VEGAP, Madrid, 2023

La couverture est composée d’un morceau de carton paille[18] observable lorsqu’on soulève les derniers feuillets du bloc. Ce dernier est probablement constitué d’une seule pièce, qui semble avoir été rainurée selon un (ou deux ?) plis pour former le dos et protéger convenablement l’ensemble des feuilles. Le matériau de couvrure est un tissu à rayures aux couleurs vives [Fig. 6d]. Sa provenance est inconnue et sa fabrication est probablement mécanisée du fait de la lisière blanche visible sur le plat inférieur. Ce textile, constitué de plusieurs morceaux, a été collé[19] et remplié tout autour du carton paille. En effet, contrairement à la technique de l’emboîtage préalablement décrite, qui permet de couvrir parfaitement la couverture cartonnée à part, la fixation directe des feuillets sur leur carton de support limite cette possibilité[20]. Enfin, un papier bleu assez fin et teinté dans la masse a été appliqué pour masquer les éléments de fixation des feuillets et recouvre également une partie du premier feuillet.

À l’instar de l’ensemble précédent, la facture de ce carnet est assez sommaire : les plats ont été découpés de guingois, les éléments de fixation des feuillets sont assez grossiers et créent de fortes surépaisseurs à la fois sous le papier bleu et en surface du plat inférieur [Fig. 6b]. L’assemblage des feuillets par piqûre à cheval limite l’ouverture du carnet. Malgré cela, la couverture, découpée dans un format légèrement supérieur à celui des feuillets, protège convenablement l’ensemble.

Ces trois carnets insolites sont ainsi le témoignage d’une pratique amateur: constitués de matériaux de réemploi –cartons provenant d’un autre volume, morceaux assemblés de toile de lin, de jute, de textiles aux origines lointaines, ficelle de diamètre excessif–; leur facture est relativement sommaire, et semble être le fruit d’une volonté d’agir rapidement, mais peut-être aussi d’un manque d’outillage adapté, tout comme d’une pénurie de matériau. La découpe du carton constitutif des plats est relativement peu rectiligne, les matériaux de couvrure sont appliqués légèrement de biais et ne couvrent pas parfaitement les plats de carton sous-jacent, le fil de couture est épais et rabouté. Rien ne permet de déterminer si ces carnets sont l’œuvre de Picasso ou d’un ami, mais il est fort probable qu’ils aient été fabriqués par la même personne dans la mesure où, surtout pour les carnets MP1859 et MP1862, la mise en œuvre semble moins hasardeuse et plus maitrisée d’un carnet à l’autre.

Malgré cet aspect amateur, les étapes traditionnelles de la reliure sont exécutées de manière relativement logique du point de vue du professionnel : assemblage des feuillets, assemblage des cartons puis couvrure se font suite. En outre, l’aspect extérieur des modèles classiques de reliures ou carnets dont le dos est protégé par un matériau plus noble, plus souple et plus résistant, quand les plats sont recouverts de matériaux moins onéreux tels que la toile ou le papier, a été reproduit pour les carnets MP1859 et MP1862: bien que les matériaux soient ici de nature similaire –deux textiles–, la partition des carnets en deux zones distinctes –dos et plats– a été respectée, témoignage d’une volonté d’imitation. De même, la reliure du MP1990-98 s’apparente structurellement aux blocs-notes disponibles dans le commerce [Fig. 7c]. Cette étude matérielle et technique met donc en évidence une compréhension correcte des principes généraux de la reliure –emboîtage, couture ficelle, couvrure en demi-dos– même si la mise en œuvre est rudimentaire du fait de l’usage de matériaux de réemploi et de l’approximation des collages et assemblages. Elle semble être issue de l’observation précise d’objets reliés manufacturés du quotidien –livres, carnets…– plutôt que de la lecture attentive de manuels contemporains de reliure pour amateurs. En effet, les quelques manuels publiés à l’époque semblent souvent se perdre dans des descriptions, soit trop techniques, soit trop évasives pour permettre à l’amateur de réaliser des productions de qualité (Audran 1910; Blanchon 1908; Bourdais 1908; Émile-Bayard 1904; Graffigny 1907; Moser 1906; Ris-Paquot 1893).

 

3.2. Dissemblances et similitudes: les carnets dans le corpus du Musée national Picasso, Paris

Ces carnets sont-ils exceptionnels uniquement par leur facture (fabrication manuelle, couverture de tissus bariolés…) ou se détachent-ils également par leurs dimensions, la qualité de leur papier ou d’autres caractéristiques matérielles servant à identifier différentes typologies dans la production dessinée de l’artiste ? Répondre à cette interrogation implique de contextualiser ces carnets en les replaçant au sein d’ensembles plus vastes : celui de l’offre marchande des supports reliés de dessin de l’époque ainsi que les choix effectués par Picasso pour l’achat de ce matériel artistique. Pour ce faire, nous effectuerons une analyse comparée des caractéristiques matérielles du corpus des carnets du musée Picasso et de catalogues commerciaux de matériel d’écriture et de dessin de 1896 à 1935. Le catalogue raisonné recense en effet 175 carnets réalisés entre 1894 et 1967. Le Musée national Picasso de Paris en possède aujourd’hui 58 exécutés entre 1899 et 1966, soit près d’un tiers de sa production totale. Pour la plupart, ils ont été sélectionnés au moment de la dation de 1979 pour leurs qualités artistiques et leur représentativité[21].

La consultation des catalogues met tout d’abord en évidence une production semi-industrielle des carnets : les techniques de reliure (emboîtage et agrafage) se veulent rapides et peu coûteuses, la qualité des papiers utilisés et des matériaux de couvrure est soigneusement calibrée selon la destination finale du produit. Deux types de carnets peuvent ensuite être distingués : les carnets à dessin et les supports reliés d’écriture. Le corpus de carnets du musée Picasso met en évidence une forte majorité de carnets à dessin (60,5 %), c'est-à-dire des supports reliés avec une couverture carton, souvent recouverte de toile unie qualifiée de ‘grise’, avec un papier destiné au dessin [Fig. 7a]. La seconde catégorie, soit 29,5 %, est constituée par des supports reliés d’écriture –parmi lesquels nous regroupons les cahiers [Fig. 7b], bloc-notes [Figs. 7c et 7d], calepins, registres…– qui sont souvent plutôt des papiers réglés et dont la couverture peut être souple. Restent à la marge 5 % de carnets bricolés et 5 % dont la destination initiale reste incertaine.

Fig. 7a : Au Bon Marché, catalogue, 1906, p. 13, Paris, Bibliothèque Forney. «Albums à dessins» (sic) dont les caractéristiques techniques sont les suivantes: couverture toile grise rigide, avec caoutchouc, papier blanc et teinté, formats de 13,5 x 9 cm à 35 x 26 cm.

Ce modèle rappelle la matérialité du carnet MP1861, couverture cartonnée recouverte de toile beige, couture ficelle avec porte -crayons-. Paris, mars-juillet 1907.

Fig. 7b : Comptoir général de la papeterie, Ancienne maison A. Boulery, marque Aby : [catalogue commercial], 1935, p. 19, Paris, Bibliothèque Forney. Cahier d’écolier dont les caractéristiques techniques décrites sont les suivantes : «Qualité supérieure, carte rustique, dos recouvert percaline grain soie, gardes couleur, couture au fil de lin, vergé surfin, 60 pages, quadrillé 5 x 5».

Le cahier d’écolier est utilisé à plusieurs reprises par Picasso comme le carnet MP1860, Paris, mai-juin 1907.

Fig. 7c : Comptoir général de la papeterie, Ancienne maison A. Boulery, marque Aby : [catalogue commercial], 1935, p. 14, Paris, Bibliothèque Forney. Bloc-notes de luxe décrit comme suit : «Dessous carton, couverture carton grise extra-forte, impression bistre, vergé surfin, réglures commercial/travers/uni, 100 feuilles, perforé en tête, 21 x 27 cm». Il n’y a pas d’indication sur le type de couture.

Le carnet MP1990-104, Paris, 1924 est aussi un bloc-notes avec un papier «vergé anglais», gage de qualité et des pages pré-perforées en tête.

Fig. 7d : Articles de dessin et de bureau, G. Michaud-Quantin : [catalogue commercial], 1928, p. 190, Paris, Bibliothèque Forney. Bloc-notes de bureau regarnissable décrit comme suit : «Monture en cuivre, 200 feuilles de très bon papier blanc perforé en tête, Formats de 13 x 8 cm à 27 x 21 cm».

Les blocs de recharge de ce type de produit ressemblent aux matériaux constitutifs du carnet MP1863, Paris, [Eté] 1907-1908.

 Fig. 7e :, Jouets, étrennes, Grands Magasins du Louvre, [Noël 1913-étrennes 1914] : [catalogue commercial], 1913-1914, p. 29, Paris, Bibliothèque Forney «Album de poésie» (sic) dont les caractéristiques techniques sont les suivantes : «Veau raciné, dorure fantaisie, tranche or, fermoir à serrure» Il n’y a pas d’indication sur le type de couture.

Cette typologie d’objet se rapproche du carnet n° 6, MP1857 : couverture de cuir rouge foncé, couture ficelle, tranche dorée, 2 fermoirs. Paris-Gosol, 1905-1906

Fig. 7: 7a, 7b, 7c, 7d et 7e: Tableau comparatif des principales typologies de supports reliés rencontrés dans la collection de carnets du Musée Picasso, Paris et les descriptifs techniques trouvés dans des catalogues commerciaux

            Cette prépondérance de supports destinés au dessin souligne l’importance accordée par l’artiste à cette pratique dans le sens où il a privilégié dans ses achats un support vierge de toute réglure, avec une gamme de grains –de  ‘grain fin’ à ‘à grain’ ou encore, vergé– et de grammages adaptés au dessin –entre 120 et 240 g/m²–. Néanmoins, à l’instar des dessins exécutés sur feuilles libres[22] , la présence de papier d’écriture est réelle: ces papiers, souvent de grammage plus fin –80 à 120 g/m² environ–, vergé ou vélin, ont aussi souvent pour caractéristique d’être réglés –c'est-à-dire de porter une trame quadrillée ou linéaire, imprimée qui constitue un guide pour l’écriture–. Ces deux typologies co-existent durant toute sa vie et ne sont pas forcément corrélées à des périodes de vache maigre ou de guerre. Par ailleurs, parmi cette collection, il s’avère que 96 % des carnets sont des supports vierges et seuls 4 % sont des carnets de réemploi[23]. Picasso a donc consacré un budget tout au long de sa vie à l’achat de ces carnets afin de poursuivre son travail de notation et de recherche. Il ne semble donc pas possible d’attribuer la fabrication manuelle des trois carnets qui nous occupent[24] et le recours au réemploi à la seule nécessité financière. Par ailleurs, l’emploi de feuille d’écriture pour dessiner n’est pas exceptionnel chez Picasso.

            Néanmoins, lorsqu’on se penche sur la matérialité des carnets achetés en termes de qualité et de valeur pécuniaire, trois catégories se distinguent. La première, ‘bon marché’ regroupe une ou plusieurs des caractéristiques suivantes: les papiers réglés, les papiers fins, les supports avec une couverture souple en carte imprimée, composés d’un seul cahier. Les feuillets sont souvent reliés par agrafage métallique[25]. Cela concerne donc entre autres les cahiers d’écolier, les cahiers de brouillon, les blocs-notes, les carnets de réemploi et représente 17 % des supports de la collection étudiée. La deuxième catégorie est consacrée aux carnets de gamme ‘intermédiaire ou moyenne’. Elle regroupe des supports vierges et plus précisément, des carnets produits pour le dessin, c'est-à-dire avec un papier vierge/sans réglure, composés de plusieurs cahiers assemblés par couture et possédant une couverture rigide. Les plats en carton gris sont parfois laissés bruts ou le plus souvent, recouverts de toile beige ou noire ou encore de papier simili-cuir, caractéristiques de la production semi-industrielle. Cela concerne 74 % des items du corpus étudié. Enfin, la dernière catégorie réunit les carnets plus luxueux, présentant un souci d’apparat ou de préciosité tel que le carnet MP1857. Ils sont a priori plus onéreux car ils présentent une couverture en cuir, des tranches dorées et parfois du papier fait main ou son imitation. Ce sont des carnets vierges mais dont l’usage n’était peut-être pas exclusivement réservé au dessin[26]. Ils ne sont que 3,4 %[27] et semblent donc plutôt le fait de cadeaux ou d’achats singuliers. Le pourcentage manquant est dû aux trois carnets bricolés que nous pouvons a priori difficilement associer à l’une de ces catégories.

            Faits main à partir de matériaux courants immédiatement disponibles dans l’atelier, ils manifestent néanmoins une certaine préciosité en raison de leurs tissus bariolés, sans doute peu courants pour au moins deux d’entre eux. Ils témoignent alors d’un souci de personnalisation et de distinction qui interroge sur leur usage. S’agit-il d’albums, c’est-à-dire de recueils de dessins confectionnés a posteriori? Cette question est d’autant plus importante que les tissus employés –bigarrés et aux motifs très présents– les singularise profondément des carnets à dessin du commerce qui possèdent le plus souvent une couverture unie de couleur plutôt neutre[28] et ce d’autant plus que, deux d’entre eux ont clairement, si ce n’est une origine, tout du moins une influence asiatique très marquée. Si les deux premiers carnets présentent une bonne ouvrabilité, favorable au dessin et à l’écriture, l’ouverture médiocre du carnet MP1990-98 laisse à penser que Picasso aura d’abord effectué une succession de dessins sur une série de feuillets, qu’il aura ensuite souhaité préserver en les reliant et en leur offrant une couverture cartonnée. Quoiqu’il en soit, l’ensemble de ces trois carnets présente de nombreux transferts de techniques entre les feuillets, signe d’une promiscuité originelle de certains feuillets[29]. De plus le contenu dessiné ne diffère pas des autres carnets de la même époque : «laboratoire souterrain de la création», ils constituaient un «véritable atelier de poche» (Léal 2005, p.115).

            L’appellation «de poche» mérite toutefois d’être interrogée car le carnet est associé à la pratique du dessin en plein air qui se développe à Rome au XVIIIe siècle. Elle implique donc un caractère transportable, et ne doit pas se comprendre uniquement au sens de «poche de vêtement», mais peut aussi signifier une poche de besace, par exemple. Le catalogue Sennelier de 1896 différencie ainsi les « albums minces et souples pour la poche » des autres albums à dessin à «couverture forte», c'est-à-dire cartonnée [Fig. 8]. Les adjectifs ‘petit’ et ‘grand’ restent, de la sorte, trop vagues et ne permettent pas de rendre compte précisément de la place du carnet dans une pratique artistique quotidienne. Nous avons donc défini quatre catégories de formats[30] pour les carnets de Picasso et étudié leur répartition.

            Il s’avère que 31% sont des carnets ‘grand’ format (de 21 x 27 cm à 41,3 x 30,5 cm[31]), 24% sont des formats ‘moyen +’ (de 17 x 22,5 cm à 21 x 27 cm), 29,3 % sont des ‘moyens’ formats (de 12 x 16 cm à 17 x 22,5 cm) et 15,5 % sont des ‘petits’ formats (de 8,5 x 13,5 cm à 12 x 16 cm[32]). Ainsi, la répartition des carnets de Picasso dans la collection du musée Picasso, Paris est relativement homogène entre ces quatre formats même si les ‘petits’ carnets sont les moins nombreux. Les trois carnets étudiés entrent quant à eux dans la catégorie ‘petit[33] ou ‘moyen format[34]. Toutefois leur caractère transportable se trouve limité par leur couverture rigide tandis que les dessins qu’ils contiennent privilégient croquis et travaux préparatoires d’atelier.

Fig. 8: Catalogue général – Couleurs fines et matériel d’artistes, G. Sennelier (1896, p. 43). Paris, Bibliothèque Forney. On y présente les «albums à dessins» à couverture «forte» ou rigide et à couverture «souple» «pour la poche».

4. Histoire de l’art, histoire matérielle et technique, histoire culturelle : passages et entrelacements

L’analyse matérielle et technique des trois carnets ‘bricolés’ de Picasso révèle donc une fabrication manuelle plus ou moins soignée qui n’est pas le fait d’un professionnel mais l’usage et les caractéristiques techniques et matérielles –dimensions, papier, type– de ces carnets sont relativement similaires au reste des carnets de Picasso. Établir que Picasso possédait des créations amateures lors des prémices du cubisme et de l’épilogue de la cordée Braque-Picasso représente alors une donnée extrêmement précieuse. Tout d’abord, parce qu’elle corrobore l’importance des expériences techniques quotidiennes, et plus particulièrement des pratiques ordinaires de création, dans la genèse du cubisme (Le Thomas, 2016).

En effet, que ces carnets aient été exécutés par Picasso lui-même ou par un membre de son entourage, ils témoignent d’un contact avec des pratiques créatives ordinaires et sont la preuve que Picasso connaissait des objets réalisés avec des matériaux et des techniques bricolées. Il est même possible de parler de connaissance intime dans la mesure où ces carnets sont des objets de travail qu’il tenait souvent en main et qu’il est fort probable qu’il se soit penché sur leur processus de fabrication – il les a façonnés lui-même ou, si ces carnets ne sont pas de sa main, il a sans doute interrogé leur auteur à ce sujet étant donné son appétence pour toutes les formes d’ingéniosité créative. Ne s’extasiait-t-il pas à propos des charnières de petites boites en bois blanc en 1944:

Je les ai tirées d’une poubelle, cette nuit, en rentrant. Que l’on fasse aussi ingénieusement, aussi simplement des boîtes, c’est une pure merveille ! Regardez comme c’est ingénieux : le couvercle s’ouvre et se referme avec juste deux petits clous en guise de charnière. Un véritable ouvrage d’art ! (Brassaï, 1997, p. 192)

Ainsi, dans la continuité des nouvelles études qui s’intéressent aux matériaux et aux techniques non artistiques employées par les artistes (Hoenigswald & Jones 2014; Jones 2019; Patry & Robbins 2022), l’exemple cubiste confirme que toutes les expériences créatives sont susceptibles de nourrir les œuvres. Pour créer les papiers collés et les constructions, Braque et Picasso ont puisé des techniques, des matériaux et une nouvelle manière de penser la création dans les occupations domestiques créatives qui les environnaient; Braque a transposé dans le cubisme des pratiques –le pochoir, la peinture au sable– et des formes de perception –fusionner le fond et la forme, faire avancer la perspective– issues de sa formation de peintre décorateur (Rubin 1990; Braun et Cowling 2022). D’autres artistes se sont également servis de leur vécu quotidien et de leurs activités alimentaires ou récréatives pour enrichir leur pratique artistique. Degas, par exemple, s’est appuyé sur sa production d’éventail de 1878-1879 pour expérimenter les potentialités des poudres métalliques et accentuer la dissymétrie de ses compositions (Jones, 2019). De même, beaucoup de pratiques surréalistes –les cadavres exquis, les collages, les frottages…– sont l’écho d’occupations récréatives courantes à l’époque. Il existait notamment une tradition épistolaire consistant à réaliser ses propres cartes postales à l’aide de découpis, illustrations tirées de journaux, motifs découpés dans des tissus et autres images imprimées qui pullulaient depuis le milieu du XIXe siècle et l’avènement de la culture de masse (Chéroux, 2008).

Réfléchir à la matérialité et à la technicité des œuvres permet donc de les replacer dans une histoire matérielle et technique plus large afin de mieux comprendre leur inscription dans le temps et le lieu historiques qui modèlent leur condition d’existence. En l’occurrence, pour les carnets de Picasso, et plus généralement pour les créations cubistes, mais aussi, impressionnistes et surréalistes, l’essor des pratiques artistiques amateures depuis le dernier tiers du XIXe siècle apparaît comme un cadre déterminant. Mieux saisir les processus créatifs dans leur historicité, c’est aussi dégager l’individualité de chaque artiste dans cette vaste culture matérielle et technique partagée. Si la culture de masse est à l’origine d’une culture créative originale –avec ses matériaux, ses techniques et ses réalisations de prédilection– qui s’appuie sur la disponibilité nouvelle des images et des produits manufacturés ainsi que la démocratisation des anciens loisirs aristocratiques, l’usage picassien de ce foisonnant matériel contraste.

Picasso, dans ses papiers collés, aime utiliser des papiers peints anciens, obsolètes datant des années 1850-1880 (Cowling, 2013) et les tissus employés pour ses carnets témoignent du même intérêt pour le rare: ce sont des étoffes peu courantes à l’époque en Occident pour au moins deux d’entre elles. Jeux de contraste, préciosité, plaisir de la couleur et des motifs, plaisanteries et sous-entendus sur le féminin et le masculin…, les motivations multiples de Picasso à ce choix divergent illustrent sa capacité à conférer des qualités plastiques à tout ce qui l’entoure – autrement dit à insérer ce qui ne relève pas directement du domaine artistique dans l’histoire de l’art.

Pour finir, et en inversant la perspective, la description et l’analyse des techniques et des matériaux employés pour la fabrication des trois carnets de Picasso enrichit la connaissance des pratiques ordinaires de création. En effet, activités personnelles d’usage du temps libre, les occupations domestiques créatives ont laissé peu de traces dans les archives, comme l’ont très bien analysé les historiens de l’intime (Perrot 1987; Corbin 1995). Les productions commerciales qui accompagnent le développement de ces loisirs ­–magasins spécialisés vendant des objets tout faits à décorer, manuels didactiques guidant le lecteur dans l’exécution de réalisations diverses– offrent principalement des sources de seconde main qui ne rendent pas compte des procédés effectifs employés par les créateurs ordinaires.

Elles offrent une vision standardisée de la réalité –celle institutionnalisée de manuels qui promeuvent les ‘bonnes pratiques’ et celle marchande des catalogues commerciaux qui s’efforcent de répondre à une demande– qui passe sous silence tout le foisonnement propre à ces « arts de faire » se caractérisant, non par la création de produits propres, mais par la manière d’employer, de s’approprier, les produits mis en circulation par les fabricants (Certeau, 1980). De plus, parce qu’elles ne correspondaient pas à la définition de l’art populaire en cours d’institutionnalisation depuis le milieu du XIXe siècle, elles ne furent ni observées, ni étudiées, ni conservées en tant que telles par les musées.

Enfin, de peu de prix, les créations ordinaires survivent rarement à la mort de leur auteur ou possesseur – elles n’ont qu’une valeur d’usage ou sentimentale, celle de la fabrication main ou du souvenir de celui qui l’a offert. Ainsi, ces trois carnets de Picasso font partie des rares objets amateurs conservés aujourd’hui et leur étude constitue une opération indispensable pour comprendre les pratiques ordinaires de création. Elle met à l’épreuve la capacité des autres sources à rendre compte de cette culture matérielle et technique. Les descriptions des manuels en particulier, apparaissent peu fiables lorsqu’il s’agit de techniques complexes comme la reliure d’un livre. Elles ont une finalité plus informative que pratique et il est impossible de réaliser une belle reliure sur la base de leurs explications, malgré les schémas qui accompagnent les descriptions techniques. C’est ici toutes les limites du verbe et des mots pour aborder un savoir-faire qui se dévoilent. «Ce que sait la main» (Sennett, 2010) se laisse difficilement appréhender à distance dans un autre langage que le corps[35]. Il conviendrait alors de poursuivre ces premières conclusions en se penchant sur les autres objets amateurs fabriqués par les artistes et conservés dans les musées.

5. Bibliographie

Audran, H.-M (1910). Petit guide du relieur amateur. Encyclopédie A.L. Guyot.

Blanchon, M.-L.-A (1908). L’Atelier de tout le monde. J. Hetzel.

Bourdais, M. (1908). Livre d’or des connaissances utiles, Arts et métiers de tout, sur tout, pour tous. H. Dunod et E. Pinat éditeurs.

Bower, P. (1990). Turner’s Papers - A Study of the Manufacture, Selection and Use of his Drawing Papers, 1787-1820. Tate Gallery.

Brassaï (1997). Conversations avec Picasso (1964). Gallimard.

Braun, E. & Cowling, E. (Dirs). (2022). Cubism and the Trompe l'Oeil Tradition. Yale University Press – Metropolitan.

Bustarret, C. (2016). De l’écritoire au laboratoire : le papier comme instrument de travail au XVIIIe siècle. Bulletin de la société archéologique scientifique et littéraire du Vendômois, 109-118.

Cowling E. (2013). What the wallpapers say: Picasso’s papiers collés of 1912–14. The Burlington magazine, 155 (1326), 594-601.

Certeau, M. de (Dir.) (1990). L’Invention du quotidien, t. 1 : Arts de faire. Gallimard.

Cheroux, Cl. (2008). La photographie timbrée : l’inventivité visuelle de la carte postale photographique à travers les collections de Gérard Lévy et Peter Weiss. Steidl, Éditions du Jeu de paume.

Corbin, A. (Dir.) (1995). L’Avènement des loisirs 1850-1960. Aubier & Laterza.

Daix, P. (1988). L’historique des Demoiselles d’Avignon révisé à l’aide des carnets de Picasso. In Seckel, H. (Dir.) (1988). Les demoiselles d’Avignon (pp. 489-545). Spadem.

Émile-Bayard, J. (1904). Les arts de la femme, Encyclopédie pratique. Librairie Charles Delagrave.

Graffigny, H. de (1907). Les industries d’amateurs : le papier et la toile, la terre, la cire, le verre et la porcelaine, le bois, le cuir, les métaux. Librairie J-B. Baillière et fils.

Hoenigswald, H. & Jones, K. (2014). All the Vocabularies of Painting: Adaption and Experimentation, 1878-1879. In A. Hoenigswald, K. Jones et A. Zehnder (Dirs.). Degas/Cassat (pp. 114-125). National Gallery of Art.

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Léal, B. (1996). Carnets : catalogue des dessins. Musée Picasso & RMN.

Léal, B. (2005). Les carnets de dessin. In M.-N. Delorme et al. (Dirs). Picasso : La passion du dessin (pp. 115-133). Musée Picasso & RMN.

Le Thomas, C. (2016). Racines populaires du cubisme. Presses du réel.

Moser, F. (1906). Le livre des travaux artistiques d’amateur. Librairie J. Dumoulin imprimeur-éditeur.

Olivier, F. (2001). Picasso et ses amis (1933). Pygmalion & Gérard Watelet.

Patry, S. & Robbins, A. dir. (2022). Le décor impressionniste. Aux sources des Nymphéas. Musée d’Orsay, Musée de l’Orangerie & Hazan.

Perrot, M. (Dir.) (1987). Histoire de la vie privée, t. 4 : De la Révolution à la Grande Guerre. Seuil.

Ris-Paquot (1893). Les petites occupations manuelles et artistiques d’amateur. Librairie Renouard, Henri Laurens Éditeur.

Rosemblum, R. (1986). Les demoiselles d’Avignon. Cahier n° 42, 1907. In A. Glimcher et M. Glimcher (Dirs.). Je suis le cahier – Les carnets de Picasso (pp. 53-60). Grasset, Fasquelle.

Rubin, W. (1990). Picasso et Braque. L’invention du cubisme. Flammarion.

Rubin, W. (Dir.) (1991). Le Primitivisme dans l’art du xxe siècle. Les artistes modernes devant l’art tribal. Flammarion.

Sabartés, J. (1996). Picasso. Portraits et souvenirs (1946). L’école des Loisirs.

Seckel, H. (Dir.) (1988). Les demoiselles d’Avignon. Spadem.

Sennett, R. (2010). Ce que sait la main. La culture de l’artisanat. Albin Michel.

Ténèze, A., Enshaian, M.C. et Hincelin, E. (2009). First Steps toward a Study of Papers and Watermarks in the Drawings of Picasso. Master Drawings, Vol. XLVII, n°1, 17-52.



[1] Il existe plusieurs numérotations des carnets : celle du catalogue des carnets réalisés par le Musée Picasso en 1996 (Léal, 1996), celle des carnets concernant les Demoiselles (Daix, 1988), celle du catalogue raisonné des carnets Je suis le cahier (Rosemblum, 1986). Pour simplifier l’identification, nous nous servirons donc des numéros d’inventaire du Musée Picasso, Paris, puisque cette étude se focalise sur la collection de cette institution.

[2] MP1990-95.

[3] Le ‘père Soulier’ vendait d’ailleurs aux artistes des ‘croûtes’ guise de toile vierge et c’est ainsi que Picasso acquit des œuvres du Douanier Rousseau (Olivier 1933, 82).

[4] Le corps d’ouvrage est l’ensemble des feuillets constitutifs d’un livre ou d’un carnet.

[5] Encartés: insérés l’un à l’intérieur de l’autre.

[6] 9 vergeures par cm, écart des lignes de chaîne variable: 25 à 29 mm. Il est fin (0,09 mm d’épaisseur), d’un grammage d’environ 100 g/m².

[7] Un filigrane avec le même type de figure est recensé dans la base MUSE, Manuscrits, Usages des Supports d’Ecriture. Il s’agit du Type BNF99: dans un cahier d'écolier de Marcel Proust (1871-1922), manuscrit de Jean Santeuil (rédaction entre 1895 et 1899, non achevée), (BNF, Mss occidentaux, NAF 16615). C’est un papier vergé, écru (écart des LC : 24 mm) Le bifeuillet ouvert mesure 234 x 360 mm. Le filigrane est suivi de l’inscription « AU BON MARCHÉ », ce papier était probablement commercialisé par A. Boucicaut, le fondateur du Bon Marché. Ce papier a été utilisé à la même époque par Picasso pour quatre dessins (MP487, MP495, MP519 et MP520[7]) et quatre tirages sur bois à la gouache ou à la peinture à l’huile (MP3155, MP3156, MP3157 et MP3158) présents dans les collections du Musée national Picasso, Paris. La comparaison des formats et des bords de ces trois typologies d’œuvres permette de préciser que le format initial la feuille était de 21 x 27 cm, un format standard à l’époque pour les papiers d’écriture.

[8] Une couture de brochure est une couture simple réalisée à l’aide d’un fil et d’une aiguille, ne nécessitant pas de supports de couture et permettant l’assemblage d’un seul ou de plusieurs cahiers.

[9] On dénombre six points pour le premier carnet, et sept ou huit points pour le second.

[10] L’apprêture est une pièce d’un matériau tel que le papier, la toile, le parchemin ou le cuir, disposée par collage ou couture sur le dos du corps d’ouvrage, qui a pour rôle d’améliorer la solidarité entre les différents feuillets ou cahiers constitutifs de ce dernier, mais aussi de faire la jonction avec les plats constitutifs de la reliure.

[11] La couvrure désigne à la fois l’étape qui consiste à recouvrir les plats du livre à l’aide d’un matériau et l’ensemble des matériaux recouvrant ces derniers.

[12] La nature de la fibre utilisée n’a pas pu être identifiée lors de cette étude par manque de temps.

[13] La nature de la colle n’a pas été identifiée. Il pourrait s’agir d’une colle de peau.

[14] Technique d’impression en relief à l’aide d’un bloc gravé (le plus souvent en bois) pour transférer le motif encré sur de la toile. Cette méthode d’impression a été très utilisée en Inde, en Indonésie …

[15] Ensemble formant un bloc de feuilles faciles à détacher, permettant de prendre des notes.

[16] Les assemblages de ces blocs-notes sont fréquemment réalisés avec des éléments métalliques tels que des agrafes ou des attaches parisiennes.

[17] Une molette est une empreinte produite sur le papier pendant sa fabrication sur la machine. Elle ressemble à un filigrane mais est produite après la formation de la feuille, par passage dans une presse à molette. Sur le folio 1 à l’horizontale: «S-ANNONAY» et sur le feuillet 5, un autre morceau vertical : «ANCNE MANUFRE CANSON & MO».

[18] Le carton paille a été développé au XIXe siècle pour utiliser des matières premières peu onéreuses. Les pailles de seigle, de froment, d’avoine, d’orge ou de sarrasin ont ainsi été transformées en pâte chimique alcaline qui produit des papiers et des cartons d’emballage avec une teinte caractéristique ocre jaune.

[19] Aucune trace de colle n’a été observée.

[20] Cela explique que nous ayons pu identifier le carton paille non gainé sous les feuillets.

[21] Nous nous baserons en particulier sur le travail réalisé par B. Léal en 1996 pour le catalogue raisonné des carnets du Musée national Picasso, Paris

[22] Par exemple, nous citerons la série de dessins Étude pour Les Femmes d'Alger, d'après Delacroix réalisés sur papier vélin d’écriture à carreaux 1 x 1 cm (MP1445 à MP1500).

[23] Registre comptable pour le MP1990-93 et carnet publicitaire pour le MP1990-97.

[24] MP1859, MP1862, MP1990-98.

[25] La reliure par agrafage est appelée piqûre métallique. Elle peut être à cheval ou à plat.

[26] Certains catalogues consultés (Grands Magasins du Louvre, 1913-1914) présentent ce type de carnet comme des albums de poésie [Fig. 7e].

[27] Ce sont les carnets MP1857 de 1905-1906 et MP1990-99 de 1920.

[28] Elle est donnée comme grise dans les catalogues commerciaux, elle apparaît aujourd’hui plutôt de couleur beige.

[29] La mise en couleur à l’aquarelle pose néanmoins question car elle a pu être réalisée pour tout ou partie avant ou après l’assemblage. En effet, certains lavis pénètrent profondément la zone d’assemblage sans qu’il n’y ait de tache de couleur sur le feuillet précédent, quand d’autres ont provoqué la formation de taches d’aquarelle.

[30] Ces formats ont été définis en fonction des groupes de dimensions constatées. La comparaison avec les formats mentionnés dans les catalogues commerciaux du début XXe siècle est peu concluante. La plupart des formats ne correspondent ni aux formats normés de papier Beaux-Arts –type Raisin, Jésus, Pot, Couronne– qui auraient été pliés in-4°, in-8°, in-16° puis découpés ni à d’autres formats référencés dans d’autres catalogues. Seul le format 21 x 27 cm. est un format standard de papier d’écriture existant avant la deuxième guerre mondiale dont la collection du Musée Picasso, Paris présente 6 occurrences.

[31] Il s’agit du MP1880.

[32] Il s’agit du MP1990-100.

[33] MP1859: 14,7x10,6x1,5 cm et MP1862: 15x12x0,9 cm

[34] MP1990-98: 17,5 x 14,5 x 1,1 cm

[35] Malgré la plus grande précision possible, il est en effet impossible de décrire et anticiper toutes les questions que se pose un amateur lors de la création. Les tutoriaux vidéo pallient en partie cette difficulté en permettant de voir l’enchaînement des gestes, la disposition du corps, des mains, mais il manque néanmoins toujours les conseils prodigués en direct par le professionnel lors d’un apprentissage en atelier.